RAPPORT 2019 SUR LES DROITS DE L’HOMME – MALI

RAPPORT 2019 SUR LES DROITS DE L’HOMME – MALI

 

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

Le Mali, démocratie constitutionnelle, a réélu le président Ibrahim Boubacar Keïta pour un second quinquennat en août 2018. Les observateurs internationaux ont considéré que les élections ont répondu à des exigences minimales d’acceptabilité en dépit de quelques irrégularités et incidents violents. Les élections parlementaires, initialement prévues pour octobre 2018, ont été reportées à nouveau de juin 2019 à mai 2020, au plus tôt, techniquement pour laisser le temps nécessaire à l’application de réformes électorales et constitutionnelles.

Les forces de sécurité comprennent la police nationale, les Forces armées maliennes (FAMA), la gendarmerie nationale, la garde nationale, la Direction générale de la sécurité d’État (DGSE) et la Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée (DNAPES). Administrativement, les FAMA, la gendarmerie nationale et la garde nationale relèvent du ministère de la Défense, bien que le contrôle opérationnel de la garde et de la gendarmerie nationales dépende également du ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile. La police est chargée de l’application de la loi et du maintien de l’ordre en zone urbaine, tandis que la gendarmerie a les mêmes attributions en milieu rural. De temps à autre, l’armée a effectué des opérations de sécurité nationale dans les régions du nord où la police et la gendarmerie étaient absentes. La garde nationale dispose d’unités spécialisées en matière de sécurité des frontières, globalement inefficaces. Le ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile est notamment responsable du maintien de l’ordre dans les circonstances exceptionnelles, comme les catastrophes et les émeutes. La DGSE est habilitée à enquêter sur n’importe quelle affaire et à placer des individus en garde à vue temporaire à la discrétion de son directeur général, ce qu’elle n’a d’habitude fait que dans les affaires de terrorisme et de sécurité nationale. Les autorités civiles n’ont pas toujours maintenu un contrôle efficace des forces de sécurité civiles et militaires.

Au 6 novembre, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signataire de l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation, s’était retirée du dialogue national pour la mise en œuvre de cet accord conclu en 2015. La CMA avait signé l’accord avec le gouvernement malien en 2015, tout comme la Plateforme des milices du nord (la Plateforme), y compris le Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (GATIA), le Mouvement arabe de l’Azawad-Plateforme (MAA-PF) et la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR). Le retrait de la CMA le 25 septembre est intervenu en réponse à des commentaires du Président Keïta selon lesquels des éléments de l’Accord d’Alger, déjà signé, pourraient être revisités dans le contexte d’un dialogue national. En juillet, le gouvernement a facilité la signature d’accords pour « mettre un terme aux hostilités » entre une douzaine des groupes armés des communautés ethniques foulani et dogon. Les violences intercommunautaires entre des éleveurs nomades foulanis et des Dogons vivant de l’agriculture et de la chasse se sont intensifiées au premier semestre, et les déplacements internes dans tout le centre du pays ont plus que quadruplé depuis janvier 2018.

Des problèmes importants en matière de droits de l’homme sont survenus, notamment : des signalements d’exécutions illégales ou arbitraires, notamment extrajudiciaires, par des acteurs publics et non étatiques, des disparitions forcées, des actes de torture et des détentions arbitraires par des forces gouvernementales, des conditions carcérales pénibles et délétères, l’existence de lois sanctionnant la diffamation criminelle, des atteintes importantes à la liberté de réunion pacifique, des actes de corruption importants, le recrutement illégal et l’emploi d’enfants soldats par des groupes armés non gouvernementaux parfois soutenus par le gouvernement, des crimes impliquant des violences à l’encontre de minorités nationales et ethniques, des crimes impliquant des violences ou menaces ciblant des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI), des affaires de violence à l’encontre de femmes et d’enfants conduisant rarement à des enquêtes, l’esclavage et la traite des personnes, et le mépris des droits des travailleurs par le recours à l’exploitation par le travail, y compris le travail des enfants.

Les pouvoirs publics n’ont fait que peu d’efforts sinon aucun pour enquêter sur les fonctionnaires ayant commis des violations, ni pour les traduire en justice et les sanctionner, que ce soit au sein des forces de sécurité ou dans d’autres secteurs du gouvernement, et l’impunité a continué de poser problème. L’auteur du coup d’État de 2012, Amadou Sanogo, arrêté en 2013, est resté en détention provisoire dans l’attente de son procès, qui a commencé à Sikasso en 2016 ; cependant, le président du tribunal a fait droit à une motion de la défense de le retarder jusqu’en 2017. L’affaire était en cours à la Cour d’appel, en attente des résultats d’une analyse d’ADN. L’impunité pour les crimes graves commis dans le nord et le centre du pays se poursuivait à peu d’exceptions près. Le 30 septembre, la Cour pénale internationale (CPI) a statué que les preuves étaient suffisantes pour traduire en justice Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, accusé de torture, de viol, d’esclavage sexuel et d’attaques délibérées sur des bâtiments religieux et des monuments historiques. L’accusé a été transféré à la CPI par le gouvernement après une année de détention dans le pays, en réponse à un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité remontant à l’occupation de Tombouctou en 2012 par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et Ansar Dine (« défenseurs de la foi »).

Des milices ethniques ont commis de graves violations des droits de l’homme, dont des exécutions sommaires, des exécutions ciblées, la destruction d’habitations et de magasins d’alimentation, ainsi que la mise à feu de villages entiers. Malgré l’Accord de paix d’Alger signé en 2015, certains membres de la Plateforme, notamment le GATIA, le MAA-PF et la CMFPR, ainsi que des membres de la CMA, comme le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), ont commis de graves violations des droits de l’homme, notamment des exécutions sommaires, des actes de torture et le recrutement et l’emploi d’enfants soldats. Deux groupes extrémistes, notamment affiliés à l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et la coalition d’al-Qaïda Jama’at Nasr al-Islam wa Muslimin (Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans, GSIM), qui ne sont pas parties au processus de paix, ont enlevé et tué des civils et des membres des forces armées, y compris des soldats de la paix.

L’opération Barkhane, opération militaire antiterroriste française, s’est poursuivie. Elle était d’envergure régionale, avec des opérations antiterroristes au Mali, au Tchad, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger. L’ensemble de ces cinq pays forme le G5 Sahel, une alliance leur permettant de coordonner leurs politiques en matière de sécurité, de contreterrorisme et de développement. Environ 2 500 soldats y ont participé conjointement avec les FAMA dans le nord du Mali. Le gouvernement malien, en coopération avec l’armée française, a mené des opérations antiterroristes dans le nord et le centre du pays, permettant la capture d’extrémistes et d’éléments de groupes armés accusés de crimes. Les accusations portées contre des casques bleus tchadiens de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), notamment concernant des exécutions, des enlèvements et des arrestations arbitraires commis dans la région de Kidal en 2016, n’étaient toujours pas résolues. Les signalements d’exactions ne conduisaient que rarement à des enquêtes ou des poursuites judiciaires.

Section 1. Respect de l’intégrité de la personne, y compris le droit de vivre à l’abri des atteintes suivantes :

a. Privation arbitraire de la vie et autres exécutions extrajudiciaires ou à motivations politiques

Des exécutions arbitraires ou extrajudiciaires imputées aux pouvoirs publics ou à leurs agents ont été signalées au cours de l’année (voir la section 1.g.).

La division des droits de l’homme de la MINUSMA a signalé qu’en mars 11 personnes soupçonnées d’activités terroristes ont été arrêtées et exécutées par les FAMA dans la ville de Mondoro, dans la région de Mopti. Selon des entretiens de l’ONU, le 24 avril, une unité d’escorte des forces armées a arrêté quatre personnes sur l’axe reliant Gossi à Gao. L’un de ces individus est parvenu à s’enfuir, mais les trois autres ont été emmenés à Intahaka (région de Gao), où ils ont sommairement exécutés et leurs corps brûlés. Le gouvernement a admis que des soldats ont été impliqués dans des exécutions extrajudiciaires à la suite d’une répression accrue contre des jihadistes présumés et des milices ethniques qui auraient été leurs alliées. Des associations foulani ont accusé les FAMA d’avoir exécuté 25 civils foulanis en juin 2018 dans la région de Mopti. Au cours de ce même mois, l’armée aurait tué dix individus suspectés d’être des militants à Karakindé. Des enquêtes sur ces incidents, demandées par le ministère de la Défense, étaient encore en cours. Des enquêtes sur des exécutions présumées par les FAMA, y compris l’exécution présumée de12 civils au marché de bétail de Boulikessi le 19 mai 2018, restaient elles aussi en cours.

Des groupes armés signataires, des milices ethniques et des groupes extrémistes violents ont commis de nombreuses exécutions arbitraires en rapport avec le conflit interne.

Des affrontements entre l’EIGS et une coalition rassemblant le Mouvement pour le salut de l’Azawad et le GATIA (MSA-GATIA), soutenue par le gouvernement et l’opération française Barkhane, ont fait de nombreuses victimes civiles dans les régions de Ménaka et de Kidal. Le 27 juillet, des affrontements entre la CMA et des combattants de la Plateforme dans la ville de Lerneb à la frontière avec la Mauritanie ont fait huit morts parmi des civils. Au cours de cette période, la coalition MSA-GATIA aurait reçu du matériel et d’autres formes de soutien logistique des pouvoirs publics et des forces françaises de l’opération Barkhane.

Des éléments terroristes, notamment affiliés au GSIM, ont lancé fréquemment des attaques, tuant civils et membres des forces de sécurité nationales et internationales. Le 17 mars, le GSIM a attaqué un camp militaire à Dioura, dans la région de Mopti, tuant 23 soldats. Le 2 avril, un véhicule de l’opération française Barkhane a percuté un engin explosif improvisé à Foulsaré, dans la région de Mopti, tuant un médecin militaire français. Le 21 avril, un attentat jihadiste présumé contre la base militaire de Guiré, dans la région de Koulikoro, a fait 10 morts parmi les soldats des FAMA. Selon les rapports du gouvernement de la mi-octobre, le 30 septembre, près de la frontière avec le Burkina Faso, des attaques simultanées lancées par des groupes suspectés d’être des éléments terroristes contre un poste des FAMA à Mondoro et une base conjointe FAMA-G5 Sahel à Boulikessi ont fait au moins 38 morts parmi les soldats des FAMA, 17 blessés et jusqu’à 27 disparus. L’attentat a été revendiqué par le GSIM. Selon le rapport trimestriel de la MINUSMA du 31 mai adressé au Conseil du sécurité des Nations Unies, au cours de la période visée, au moins 245 incidents se sont produits, dans lesquels 333 civils ont perdu la vie, 175 ont été blessés et 145 ont été enlevés. Alors que le nombre d’incidents a baissé par rapport aux 267 du trimestre précédent, le nombre de morts, lui, a augmenté par rapport aux 225 du trimestre précédent.

Des attaques menées par des bandits et des groupes islamistes extrémistes ont continué de dépasser la zone habituelle de conflit dans le nord du pays pour gagner les régions de Mopti et de Ségou, dans la partie centrale du pays. Ces attaques ciblaient tant les civils que les services de sécurité internationaux et gouvernementaux. Par exemple, le GSIM a revendiqué un incident, le 20 avril, lors duquel un engin explosif improvisé a heurté un convoi de la MINUSMA entre Douentza et Boni, dans la région de Mopti, tuant un soldat de la paix égyptien et en blessant quatre autres. Le 26 septembre, le gouvernement a signalé qu’entre Douentza et Sévaré, dans la région de Mopti, sept soldats avaient trouvé la mort lorsqu’un convoi militaire a percuté un engin explosif improvisé et a été pris en embuscade par un groupe armé. Des engins explosifs improvisés sont utilisés pour cibler tant des soldats des FAMA que des convois de la MINUSMA et des civils. Le 3 septembre, à Mopti, un engin explosif improvisé a percuté un bus transportant des civils, faisant 14 morts et 24 blessés. Le GSIM a ensuite publié des excuses en déclarant qu’il regrettait la perte de « nos frères et fils » et que le dispositif était destiné à « l’occupant français et ses acolytes ». Le dernier incident en date causé par un engin explosif improvisé est survenu le 2 novembre, lorsqu’un soldat de l’opération française Barkhane a été tué près de Ménaka, non loin de la frontière avec le Niger.

Les poursuites lancées contre des suspects, notamment l’auteur du coup d’État Amadou Sanogo, dans la disparition, la torture et le meurtre de 21 Bérets rouges (membres du 33e régiment de parachutistes des FAMA) en 2012, dont le colonel Youssouf Traoré, ancien membre de la junte, ont fait des progrès limités. Le procès dans cette affaire a débuté en 2016. Toutefois, à la suite d’une objection de la défense sur l’admissibilité des preuves d’ADN, il était toujours suspendu dans l’attente d’une nouvelle analyse d’ADN. Amadou Sanogo demeurait incarcéré après le rejet par le tribunal, le 16 septembre, d’une motion déposée par ses avocats afin d’obtenir sa liberté provisoire.

Le 26 février, des agresseurs non identifiés ont tué un homme et piégé sa dépouille d’explosifs dans la commune de Diankabou (région de Mopti), causant la mort de 17 civils. Selon la division des droits de l’homme de la MINUSMA, à la suite d’une attaque aux alentours de Mondoro en mars, des soldats des FAMA ont exécuté 11 hommes foulanis qu’ils accusaient de soutenir des islamistes armés. Le 6 juillet, des individus armés ont enlevé et tué par balle un religieux musulman à Inadiatafane, près de Tombouctou.

b. Disparitions

Plusieurs sources ont signalé des disparitions forcées qui auraient été le fait de groupes extrémistes. Tout au long de l’année, des organisations de défense des droits de l’homme et des médias ont à plusieurs reprises fait état de multiples cas de disparitions forcées dans les régions du centre et du nord du pays. Par exemple, la division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA a signalé que Boura Modi Diallo, chef du village de Boulikessi (région de Mopti), a été victime de disparition forcée le 15 mars, aux mains d’individus armés non identifiés.

Selon les Nations Unies, le 18 juin, des hommes armés non identifiés ont attaqué les villages dogons de Yoro et de Gangafani dans la région de Mopti, faisant au moins 24 morts à Yoro et 17 à Gangafani. Le gouvernement a publié une déclaration condamnant les attaques. Des gouvernements étrangers, ainsi que plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, comme la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), ont appelé à l’impartialité et l’indépendance des enquêtes. Les enquêtes demandées par le ministère de la Justice et des Droits de l’homme étaient en cours.

Human Rights Watch, dans son dernier rapport annuel, a fait état de dizaines d’exécutions sommaires dans le cadre d’opérations de contreterrorisme. Les soldats maliens ont soumis de nombreuses autres personnes à des mauvais traitements et des disparitions forcées. En avril, le ministère de la Défense avait émis des ordres de poursuite pour des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture et de complicité présumés, qui auraient été commis en 2018 par les FAMA à Boulikessi, Nantaka et Kombaga.

Les observateurs des droits de l’homme n’ont pas été en mesure de localiser des dizaines de prisonniers soi-disant détenus en lien avec le conflit dans le nord. Cela peut s’expliquer par d’éventuels décès en détention non signalés, des libérations clandestines présumées et des soupçons de transferts clandestins de prisonniers à la DGSE, service de renseignement du gouvernement. Une capacité limitée à gérer activement et avec exactitude les dossiers a rendu plus difficile encore la localisation d’individus au sein du système de justice pénale du pays. Les organisations de défense des droits de l’homme estimaient que la DGSE détenait au moins 60 personnes sans le reconnaître. Conformément à la demande de la CNDH, les affaires impliquant au moins 23 détenus ont été transférées au système judiciaire.

c. Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

La Constitution et la loi interdisent la torture et d’autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais il a été signalé que des soldats des FAMA avaient fait usage de ces tactiques contre des individus soupçonnés d’entretenir des liens avec des groupes extrémistes, notamment des groupes affiliés au GSIM (voir la section 1.g.). En octobre, Human Rights Watch a signalé que des soldats avaient attaché et immobilisé des militants présumés d’une manière ayant entraîné des blessures et, dans certains cas, l’amputation.

Conditions dans les prisons et les centres de détention

La surpopulation, des conditions sanitaires inadéquates et des soins de santé non adaptés ont contribué à des conditions carcérales dures et délétères. Le gouvernement a pris des mesures pour améliorer le niveau de formation du personnel carcéral et le degré de sécurité physique. Un projet de construction d’une nouvelle prison, à Kénioroba, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bamako, était en cours, pour un montant de neuf milliards de francs CFA (soit 16,5 millions de dollars des États-Unis). La prison était censée accueillir 2 500 prisonniers et répondre aux normes internationales pour le respect des droits de l’homme des détenus.

Conditions matérielles : En août, la prison centrale de Bamako, conçue pour accueillir 400 détenus, en hébergeait 5 966, le double de l’année précédente, vraisemblablement en raison de la croissance démographique, des pénuries de personnel et d’une grève des magistrats. Les locaux de détention n’étaient pas mixtes ; les détenus étaient également séparés par nature générale du délit (terroriste ou pénal). Les conditions de détention étaient meilleures dans les prisons pour femmes que dans les prisons pour hommes. Les personnes en détention provisoire et les condamnés étaient emprisonnés dans les mêmes locaux. Les autorités détenaient 230 personnes arrêtées pour terrorisme dans le quartier de haute sécurité de la prison centrale de Bamako et à Koulikoro. La situation générale en matière de sécurité et la croissance démographique de Bamako ont exacerbé des conditions carcérales déjà mauvaises en augmentant le nombre de personnes en détention provisoire et en empêchant la libération de prisonniers ayant purgé leur peine. En fin d’année, la gendarmerie et les centres de détention de la police avaient atteint leur capacité maximum. Les autorités pouvaient détenir les personnes interpelées jusqu’à 72 heures dans les postes de police, où il n’y avait pas de cellules de garde à vue séparées pour les femmes et les enfants.

Selon des informations de l’administration pénitentiaire datant d’août, 13 prisonniers et détenus étaient décédés de crises cardiaques en détention au cours de l’année. La CNDH, entité indépendante recevant un soutien administratif et budgétaire du ministère de la Justice, a attribué ces décès aux conditions carcérales insalubres. Il était difficile pour les autorités de maintenir le contrôle des prisons en raison de l’insuffisance des mécanismes de sécurité et d’un manque général de moyens.

Lorsqu’elle était disponible, l’alimentation dans les prisons était de piètre qualité et fournie en quantité insuffisante, et les installations médicales étaient médiocres. Le manque d’hygiène restait la plus grande menace sanitaire pour les prisonniers. Des seaux faisaient office de toilettes. Toutes les prisons n’avaient pas accès à de l’eau potable. La ventilation, l’éclairage et la température des centres de détention étaient comparables à ceux de nombreux foyers pauvres des villes.

Administration : Il n’existait pas de médiateurs affectés aux prisons. Toutefois, les autorités permettaient aux prisonniers et aux détenus de déposer des plaintes auprès des autorités judiciaires, soit directement par le biais de la CNDH, soit par l’entremise du Bureau du Médiateur de la République, pour demander une enquête en cas d’allégations crédibles de conditions inhumaines. Les détenus ont formulé des plaintes verbales pendant les inspections réalisées par la CNDH et ont déposé des plaintes formelles concernant leurs conditions de détention. La CNDH, chargée de visiter des prisons et d’assurer des conditions carcérales humaines, a effectué des visites après de prisonniers de la prison centrale de Bamako moins d’une semaine après leur demande. La CNDH a fréquemment visité des prisons en dehors de Bamako, bien que sa dernière visite d’un centre de détention militaire remonte à 2012, et ce en dépit de multiples demandes de visites. La Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée, instance publique, était chargée des enquêtes et de la surveillance des conditions carcérales. Les détenus pouvaient recevoir des visites de manière raisonnable et pratiquer leur religion.

Surveillance indépendante : Le gouvernement a permis à des observateurs des droits de l’homme d’effectuer des visites, et des organisations de défense des droits de l’homme l’ont fait pendant l’année. Cependant, les organisations non gouvernementales (ONG) et les autres observateurs devaient déposer une demande auprès du directeur de la prison, qui la transmettait au ministère de la Justice. L’Association malienne des droits de l’homme a effectué des visites de prisons à Bamako. Des observateurs des droits de l’homme de la MINUSMA et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont effectué des visites régulières dans des centres de détention détenant des éléments de la CMA et de la Plateforme. Depuis janvier, des représentants du CICR ont visité 17 prisons à travers le pays, y compris à Bamako, Koulikoro, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal, et ont régulièrement répondu aux besoins essentiels des prisonniers.

d. Arrestations ou détentions arbitraires

De manière générale, la Constitution et la loi interdisent les arrestations et les détentions arbitraires. Cependant, les forces de sécurité du gouvernement, la Plateforme, les forces de la CMA et des groupes terroristes armés ont arrêté et détenu de nombreuses personnes en relation avec le conflit en cours dans le nord et le centre du pays (voir section 1.g.).

La loi permet aux détenus de contester au tribunal le fondement juridique ou la nature arbitraire de leur détention. S’ils gagnent, ils sont en général relâchés rapidement, mais la loi n’accorde pas d’indemnisation ou de recours contre le gouvernement.

Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention

Pour procéder à une arrestation, la loi exige un mandat judiciaire. Elle exige également l’inculpation d’un suspect par la police, faute de quoi il doit être relâché sous 48 heures. Bien que la police ait habituellement obtenu un mandat délivré par un responsable dûment autorisé sur la base de preuves suffisantes, cela n’a pas toujours été le cas. La loi prévoit que les détenus doivent être transférés du poste de police au bureau du procureur dans les 72 heures qui suivent leur arrestation, mais les détenus ont parfois été retenus plus longtemps aux postes de police. Le manque de ressources nécessaires pour effectuer un transfert contribuait souvent à cette situation. Les autorités peuvent accorder aux détenus, qui ont des droits limités à la libération sous caution, une remise en liberté conditionnelle, particulièrement pour les délits mineurs et les affaires civiles. Il est arrivé que les autorités remettent des prévenus en liberté sur engagement personnel de leur part.

Les détenus ont le droit de consulter un avocat de leur choix ou un avocat commis d’office par l’État en cas d’indigence. Cependant, la pénurie d’avocats, surtout en dehors de Bamako et de Mopti, empêchait souvent l’accès à une représentation juridique.

Arrestations arbitraires : Le 24 avril, trois Touareg Imghad suspectés d’activités terroristes ont été arrêtés et tués par des membres des FAMA à Intahaka, dans la région de Gao. Le GATIA a condamné l’incident et l’a qualifié d’exécution sommaire.

À la suite de l’assassinat du chef de village de Hombori, des gendarmes ont appréhendé trois Foulanis qui auraient été impliqués dans le meurtre. Ils sont tous les deux restés en garde à vue largement au-delà de la limite de 72 heures fixée par la Constitution avant d’être présentés au procureur.

Les organisations de défense des droits de l’homme ont signalé que les allégations d’arrestations et de détentions arbitraires étaient généralisées. Dans de nombreux cas, des gendarmes ont détenu des suspects sur ordre de la DGSE avant de les transférer pour interrogatoire à celle-ci, qui les détenait en général pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Cependant, le processus de transfert lui-même prenait parfois plus d’une semaine, au cours de laquelle les services de sécurité n’informaient pas les détenus des charges retenues contre eux. Les autorités ne fournissaient pas aux détenus libérés de moyens de transport pour revenir sur les lieux de leur arrestation, et ce trajet prenait souvent plusieurs jours. Ces détentions se produisaient souvent au lendemain d’attaques menées par des bandits ou des terroristes et ciblaient des membres du groupe ethnique soupçonné d’en être responsable.

Détention provisoire : La loi garantit un procès aux détenus inculpés dans les trois mois en cas de délit et dans les douze mois pour un crime, mais les longues détentions provisoires demeuraient problématiques. L’inefficacité du système judiciaire, combinée au grand nombre de détenus, à la corruption et au manque de personnel, contribuait au problème. Certains individus sont parfois restés incarcérés plusieurs années avant leur procès. En septembre, environ 75 % des détenus se trouvaient en détention provisoire.

e. Déni de procès public et équitable

La Constitution et la loi garantissent l’indépendance du système judiciaire, mais le pouvoir exécutif a continué d’exercer une influence sur l’appareil judiciaire. La corruption et l’insuffisance de moyens ont influencé l’équité des procès. Des groupes maliens de défense des droits de l’homme ont affirmé que les cas de corruption et de trafic d’influence étaient courants dans les tribunaux.

L’application des décisions des tribunaux a posé problème. Les juges étaient parfois absents de leur zone pendant des mois. Les chefs de village et les juges de paix nommés par le gouvernement ont jugé la majorité des différends dans les zones rurales. Les juges de paix étaient responsables des fonctions d’enquête, d’instruction et de poursuites judiciaires. Ces systèmes traditionnels n’accordaient pas les mêmes droits que les tribunaux civils et pénaux.

Procédures applicables au déroulement des procès

La Constitution prévoit le droit à un procès équitable et, dans l’ensemble, le pouvoir judiciaire l’a fait appliquer. Cependant, les procédures judiciaires étaient souvent retardées et certains prévenus attendaient des années le début de leur procès. La loi prévoit la présomption d’innocence et les prévenus ont le droit de recevoir rapidement des informations détaillées sur les charges retenues contre eux, avec service d’interprétation gratuit si nécessaire depuis la mise en accusation jusqu’à la fin du dernier appel. Sauf dans le cas des mineurs et de certaines affaires familiales jugées sensibles, les procès étaient en général publics.

Les prévenus ont le droit de consulter un avocat de leur choix (ou d’avoir un avocat commis d’office pour les affaires criminelles et celles concernant des mineurs). Si le prévenu est déclaré indigent, un avocat lui est commis d’office par le tribunal qui le dispense également de tous les frais de justice. Les retards administratifs et la pénurie d’avocats, surtout dans les zones rurales, ont souvent empêché la prise de contact rapide. Les prévenus et leurs avocats ont le droit de disposer de délais et de locaux appropriés pour préparer la défense, de consulter les éléments de preuve détenus par le Parquet, de confronter les témoins à charge et de présenter des témoins et des éléments de preuve à leur décharge. Dans l’ensemble, les pouvoirs publics ont respecté ces droits. Les prévenus ne peuvent pas être contraints de témoigner contre eux-mêmes ou de s’avouer coupables et ils peuvent faire appel des décisions des tribunaux devant la Cour d’appel et la Cour suprême. La loi accorde ces droits à tous les citoyens.

Prisonniers et détenus politiques

Il a été signalé des cas de prisonniers ou de personnes en détention pour des motifs politiques.

Selon la Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée, en juillet, les pouvoirs publics avaient détenu 230 personnes accusées de terrorisme en relation avec le conflit dans le nord et le centre du pays. Certaines des personnes détenues se sont plaintes d’être des prisonniers politiques. Des individus dont il a été découvert qu’ils luttaient pour l’indépendance ou pour la création d’un État islamique ont été accusés de terrorisme et ont affirmé qu’il s’agissait de détention politique. À la fin de l’année, cependant, rien n’indiquait clairement qu’ils étaient incarcérés pour des raisons politiques ou pour leur opposition au gouvernement. Le gouvernement a en général placé ces prisonniers liés au conflit dans des locaux de plus haute sécurité à l’intérieur des prisons et leur accordait les mêmes protections qu’aux autres détenus. Les organisations internationales humanitaires et de défense des droits de l’homme ont eu accès à la plupart de ces centres, mais pas aux détenus des établissements gérés par la DGSE.

Procédures et recours judiciaires au civil

Les individus et les organisations sont autorisés à former des recours au civil pour violations des droits de l’homme. Ils peuvent interjeter appel auprès de la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Certains rapports ont signalé que, dans les cas d’esclavage traditionnel, il était parfois difficile d’assurer l’application des décisions des tribunaux civils.

f. Ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance

La Constitution et la loi interdisent de tels actes et aucun cas de non-respect de ces interdictions par les pouvoirs publics n’a été signalé.

g. Violences et exactions dans les conflits internes

L’armée, des forces anciennement séparatistes composées notamment du MNLA, du HCUA et du MAA, les milices du nord du pays soutenues par le gouvernement, notamment la coalition MSA-GATIA, et des organisations extrémistes, comme l’EIGS, le GSIM, le Front de libération du Macina et Al-Mourabitoun, ont commis de graves exactions et violations des droits de l’homme dans le nord et le centre du pays, notamment des exécutions arbitraires, des exactions et des disparitions. La plupart des violations des droits de l’homme commises par l’armée ciblaient des Foulanis, des Touareg et des Arabes en représailles pour des attaques attribuées à des groupes armés associés à ces groupes ethniques. Des groupes djihadistes, la CMA, alliance composée du MNLA, du HCUA et du MAA, et des milices de la Plateforme comme le GATIA, ont pris des personnes en otage. Certains groupes armés de la Plateforme, notamment le GATIA, ont utilisé des enfants soldats.

Le gouvernement et les troupes françaises ont ciblé les organisations terroristes, notamment AQMI, Ansar Dine, le FLM, Al-Mourabitoun, le GSIM et l’EIGS, qui n’étaient pas partie aux négociations de paix ou à l’accord qui en a résulté. Ces organisations terroristes ont maintenu des liens avec des groupes armés participant au processus de paix.

Le groupe ethnique des Foulanis des régions de Mopti, dans le centre du pays, et de Ségou a fait état d’exactions commises par les forces maliennes. Selon la division des droits de l’homme de la MINUSMA, l’armée a arrêté 152 personnes en réponse à l’assassinat d’un agent de la garde nationale à Sévaré le 14 mars. De plus, la MINUSMA a fait état de l’exécution extrajudiciaire de 11 hommes foulanis à Mondoro, dans la région de Mopti. La plupart des violations commises par l’armée qui ciblaient des Foulanis, des Touareg et des Arabes étaient des mesures de représailles pour des attaques attribuées à des groupes armés associés à ces groupes ethniques.

Les autorités ne disposaient pas de moyens suffisants pour engager des poursuites et enquêter sur les affaires dans le nord.

Exécutions extrajudiciaires : L’armée, les anciens groupes rebelles, les milices du nord dont les intérêts étaient semblables à ceux du gouvernement et les organisations terroristes ont commis des exécutions dans l’ensemble du pays, mais surtout dans le nord et le centre.

Des personnes ou groupes non identifiés ont perpétré de nombreuses attaques. Par exemple, dans la région de Mopti, des individus armés non identifiés ont tué le chef de village de Hombori, le célèbre griot de Dialloubé et le maire de Wadouba en juin, juillet et août, respectivement.

Des violences intercommunautaires liées aux différends en matière de transhumance (migration saisonnière) et de pâturage du bétail se sont produites entre Dogons, Bambaras et Foulanis dans la région de Mopti, entre Bambaras et Foulanis dans la région de Ségou et entre différents groupes touareg et arabes dans les régions de Gao, de Tombouctou et de Kidal (voir la section 6).

Plusieurs organisations internationales et de défense des droits de l’homme se sont dites préoccupées par les violences intercommunautaires dans la région de Mopti, principalement entre les Foulanis, éleveurs pastoraux, et les Dogons, éleveurs agricoles. Selon certains médias, les violences intercommunautaires ont causé la mort d’au moins 458 civils depuis le début de l’année.

De nombreuses attaques contre les casques bleus de la MINUSMA ont fait des morts et des blessés. Par exemple, dix soldats de la paix tchadiens ont été tués le 20 janvier à Aguelhok, dans le nord du pays, au cours d’une attaque coordonnée et complexe. L’attentat a été revendiqué par AQMI. Selon le dernier rapport trimestriel de la MINUSMA publié en octobre, les soldats de la paix ont essuyé 20 attaques pendant la période visée par le rapport.

Enlèvements : La missionnaire catholique colombienne Cecilia Narvaez Argoti, capturée en février 2017 à Koutiala, dans le sud du pays, et la travailleuse humanitaire française Sophie Pétronin, enlevée à Gao en 2016, étaient toujours tenues captives par des groupes extrémistes. Le 1er août, deux membres d’une ONG humanitaire enlevés en avril à Douentza, dans la région de Mopti, ont été libérés, alors que le maire de Wadouba, enlevé le 8 août, a été retrouvé sans vie le lendemain. Le préfet de Ténenkou, Makan Doumbia, enlevé en mai 2018, a été libéré dans le cadre d’une opération de sécurité en février.

Mauvais traitements, sanctions et torture : Le 1er janvier, des individus armés non identifiés portant des tenues de chasseurs dozos ont attaqué le village foulani de Koulogon-Peul dans la région de Mopti, tuant au moins 36 civils, tous foulanis, y compris une femme et quatre enfants. Selon la division des droits de l’homme de la MINUSMA, au moins trois des victimes ont été torturées avant d’être tuées par balles. Par ailleurs, 173 cases et 59 greniers ont également été incendiés pendant l’attaque.

Enfants soldats : Des milices armées, dont certaines soutenues par le gouvernement et collaborant avec lui, y compris le GATIA, le MNLA, le MAA-CMA, le HCUA, le FLM et le MAA-PF, ont recruté et utilisé des enfants soldats. Une organisation internationale crédible a identifié 42 enfants soldats utilisés par de tels groupes armés. Selon cette organisation, depuis le début du conflit en 2012, au moins 114 enfants ont été recrutés et utilisés, dont 109 garçons et cinq filles, par la CMA et la Plateforme. Au moins 57 enfants ont été trouvés au sein de la Plateforme, 23 à la CMA et le reste auprès d’autres groupes armés. Selon la Direction nationale de la promotion de l’enfant et de la famille (DNPEF), au 30 septembre, le nombre d’enfants associés avec des groupes armés au Mali (y compris des ressortissants du Burkina Faso, de l’Algérie et du Niger) s’élevait à 201.

Veuillez également consulter le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report/.

Autres violations liées aux conflits : Les organisations internationales et les soldats de la paix ont été victimes de différentes attaques.

Une série d’attentats mortels a ciblé les forces maliennes, françaises et internationales dans le centre et le nord du Mali aux mois de juin, juillet et août. Au cours de ces attaques, au moins 40 personnes, dont 33 civils, ont perdu la vie et une douzaine ont été blessées, dont au moins six soldats français et estoniens. Les attentats ont été revendiqués par le GSIM.

Au 30 septembre, au moins 204 membres du personnel de la MINUSMA ont été tués depuis le début de la mission en 2013.

Section 2. Respect des libertés civiles, notamment :

a. Liberté d’expression, notamment pour la presse

La Constitution garantit la liberté d’expression et la liberté de la presse, mais le gouvernement a parfois limité ces droits.

Liberté d’expression : Le gouvernement a limité la liberté d’expression et d’information, surtout pendant les manifestations d’avril rassemblant l’opposition, la société civile et des représentants religieux. Généralement parlant, l’accès de la population aux stations de radio et journaux privés était satisfaisant. Lorsque des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues en avril, la couverture médiatique nationale était minimale. Plusieurs plateformes de réseaux sociaux telles que WhatsApp ou Facebook ont également été perturbées ou restreintes pendant les manifestations. Au cours de la même période, l’accès à internet a parfois été interrompu.

Presse et médias, y compris les médias en ligne : La loi criminalise les infractions telles que l’atteinte à la sûreté de l’État, l’atteinte au moral des forces armées, l’outrage au chef de l’État, les propos séditieux et l’intelligence avec l’ennemi. Le Général Moussa Sinko Coulibaly, ancien candidat à la présidence, a été convoqué pour un interrogatoire de plusieurs heures par un panel d’enquêteurs de la gendarmerie à la suite d’un tweet publié le 2 octobre jugé incendiaire et critique à l’égard du gouvernement.

Violence et harcèlement : L’environnement dans lequel évoluaient les médias à Bamako et dans le reste du sud du pays était relativement ouvert, même si des cas de censure et de menaces contre des journalistes ont été sporadiquement signalés. Couvrir les évènements dans le nord du pays demeurait dangereux compte tenu de la présence active de groupes armés. Les journalistes avaient du mal à obtenir des informations sur l’armée jugées sensibles par le gouvernement et, souvent, à se rendre dans des localités du nord du pays. Comme en 2018, les élections ont fréquemment coïncidé avec une recrudescence des atteintes à la liberté de la presse. La Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication, l’entité nationale de règlementation des médias, est la seule à avoir la compétence de prendre des décisions judiciaires concernant des contenus médiatiques.

Lois sur la diffamation et la calomnie : La législation prévoit des amendes et des peines de prison pour diffamation. Le 4 juin, le parlementaire Karim Keïta, fils du président de la République et président de la Commission défense de l’Assemblée nationale, a officiellement porté plainte contre le journaliste Adama Dramé et l’animateur radio Mamadou Diadié Sacko (connu sous le nom de Sax) pour diffamation. Tous deux l’avaient accusé d’avoir orchestré la disparition du journaliste Boubacar Touré en janvier 2016. Le tribunal de grande instance de la commune III a rejeté la plainte le 17 juillet.

Les considérations financières altéraient également la couverture médiatique. La plupart des médias disposaient en effet de ressources limitées. Les salaires des journalistes étaient extrêmement bas et de nombreux médias ne pouvaient pas se permettre de payer leurs frais de transport pour participer à des manifestations médiatiques. Les journalistes réclamaient donc souvent aux organisateurs de ces manifestations le paiement de leurs frais de transport, et les termes « frais de déplacement » et « per diem » sont devenus des euphémismes d’un système de couverture médiatique moyennant paiement, les organisations mieux financées recevant souvent une couverture médiatique plus favorable.

Liberté d’accès à internet

Les discussions privées avaient cours de manière ouverte et sans entrave dans les zones contrôlées par le gouvernement mais étaient plus restreintes dans les régions connaissant une présence de militants ou une intensification de la violence intercommunautaire. Des perturbations et restrictions des plateformes de réseaux sociaux et des interruptions de l’accès à internet se sont produites lors des manifestations du 19 avril. Le gouvernement a également imposé des restrictions aux réseaux sociaux en 2018, en vue du premier tour des élections présidentielles et du second tour de scrutin.

Il n’existait pas de rapports crédibles suggérant que le gouvernement surveillait les communications privées en ligne sans autorisation judiciaire appropriée. Il existait de nombreux cybercafés à Bamako, mais l’accès à domicile restait limité en raison du coût. L’accès à internet était extrêmement limité en dehors de Bamako.

Liberté d’enseignement et manifestations culturelles

Il n’a été signalé aucune restriction par les pouvoirs publics de la liberté de l’enseignement ou des manifestations culturelles.

b. Liberté de réunion et d’association pacifiques

Liberté de réunion pacifique

La Constitution et la loi prévoient la liberté de réunion, mais le gouvernement n’a pas toujours respecté cette liberté. Le gouverneur de Bamako s’est appuyé sur l’état d’urgence, en place depuis 2015, pour rejeter la demande formelle de l’opposition, de la société civile et des représentants religieux d’organiser une manifestation pacifique le 5 avril. La marche a eu lieu malgré ce refus. Des dizaines de milliers de personnes ont participé à la manifestation pacifique. En octobre, plusieurs manifestations pro-armée et antigouvernement ont exigé davantage de transparence de la part des pouvoir publics et plus de soutien aux FAMA à la suite d’attaques meurtrières ayant ciblé des installations militaires.

Liberté d’association

La Constitution garantit la liberté d’association, bien que la loi interdise les associations jugées immorales. De manière générale, le gouvernement a respecté la liberté d’association, sauf pour les membres de la communauté LGBTI.

c. Liberté de religion

Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la liberté de religion dans le monde à l’adresse suivante : https://www.state.gov/religiousfreedomreport/.

d. Liberté de mouvement et de circulation

La Constitution et la loi autorisent la liberté de mouvement et de circulation à l’intérieur du pays, les déplacements à l’étranger, l’émigration et le rapatriement, et les pouvoirs publics ont généralement respecté ces droits.

Les pouvoirs publics ont dans l’ensemble coopéré avec le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres organisations humanitaires pour fournir une aide humanitaire, y compris certains services de protection, aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP), aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et à d’autres personnes en situation préoccupante. Le non-respect de l’accord de paix d’Alger et des restrictions en matière de sécurité ont eu une incidence sur l’acheminement de l’aide humanitaire.

Déplacements à l’intérieur du pays : Bien que les déplacements à l’intérieur du pays ne soient pas formellement limités, l’armée et certaines milices ont mis en place des points de contrôle pour garantir la sécurité, et l’instabilité de la situation sécuritaire a limité la liberté de mouvement et de circulation. Les habitants de Gao, Kidal et Tombouctou et de certaines zones de Mopti craignaient de quitter les villes pour des raisons de sécurité, notamment la menace que représentent les engins explosifs improvisés (voir la section 1.g.). Les conditions au début de l’année ont encouragé des réfugiés et des PDIP à retourner chez eux dans le nord et le centre du pays, mais les problèmes de sécurité qui se sont produits par la suite ont ralenti le rythme des retours. Le gouvernement a facilité les déplacements vers le nord et le centre des PDIP qui ne disposaient pas des ressources suffisantes pour se permettre d’y retourner.

Les policiers ont couramment interpelé les citoyens comme les étrangers afin de limiter les activités de contrebande et vérifier l’immatriculation des véhicules. Davantage de postes de contrôle routier de la police ont été installés à l’entrée et à l’intérieur de Bamako après l’augmentation du nombre des attentats terroristes dans l’ensemble du pays. Des journalistes se sont souvent plaints que les autorités, invoquant des questions de sécurité, ne leur avaient pas permis de se déplacer librement dans le nord au cours des opérations militaires.

Personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP)

Les conditions sécuritaires dans le nord et le centre du pays, y compris les fréquentes violences intercommunautaires, ont contraint de nombreuses personnes à fuir leur logement. Le HCR et le ministère de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté ont indiqué qu’il y avait, au 30 septembre, 187 139 personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDIP) et 138 404 réfugiés maliens dans les pays voisins. L’accès de l’aide humanitaire aux régions du nord s’est globalement amélioré à la suite de la signature de l’accord d’Alger en 2015, même si l’insécurité liée au terrorisme et au banditisme est restée problématique dans la plupart du pays. Les violences intercommunautaires et le conflit ethnique dans le centre du pays ont continué de susciter l’inquiétude en termes d’insécurité et de déplacements. Alors que, dans la région de Mopti, un certain nombre de PDIP ont pu retourner chez elles en juin, leur nombre dans le pays a continué de croître et a plus que quadruplé depuis janvier 2018.

Le ministère de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté a enregistré les PDIP et le gouvernement leur a prêté assistance. Les PDIP logeaient généralement avec des proches ou des amis, ou vivaient dans des logements locatifs. Elles vivaient pour la plupart en zone urbaine et avaient accès à des aliments, de l’eau et d’autres formes d’assistance. Jusqu’à la moitié de l’ensemble des familles déplacées ne disposait pas des documents d’identité officiels nécessaires pour un accès plus facile aux services publics, notamment aux écoles, bien que ces documents ne soient pas obligatoires pour obtenir une aide humanitaire. Des groupes d’assistance ont fourni une aide humanitaire aux PDIP vivant dans le sud et dans le nord, dans la mesure où l’accès leur était permis.

f. Protection des réfugiés

Droit d’asile : La législation prévoit l’octroi de l’asile et du statut de réfugié et le gouvernement a mis en place un système visant à assurer la protection des réfugiés. Un comité national chargé des réfugiés travaillait avec l’aide du HCR. Au 30 septembre, selon le HCR, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le gouvernement, le pays comptait 26 851 réfugiés enregistrés et 1 000 demandeurs d’asile. Les réfugiés étaient en majorité des Afro-Mauritaniens chassés de Mauritanie en 1989 et leurs enfants. Lors d’une réunion ente le HCR et les ministres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, le gouvernement s’est engagé à aider tous les réfugiés mauritaniens désireux de s’intégrer dans le pays au moyen d’une déclaration d’intention visant à faciliter leur naturalisation. En 2015, le gouvernement a délivré des actes de naissance à près de 8 000 enfants nés au Mali de parents réfugiés dans le cadre de son engagement à faciliter l’insertion locale des réfugiés afro-mauritaniens, ce qui leur permettait d’avoir accès aux services publics, de signer des contrats d’embauche, d’acheter et de vendre des terres, de monter des sociétés et de faire des emprunts bancaires.

Selon les estimations du HCR au 30 septembre, il y avait 138 404 réfugiés maliens enregistrés dans les pays voisins du Burkina Faso, de la Mauritanie et du Niger. Le nombre de nouveaux réfugiés a continué d’augmenter toute l’année en raison du conflit et de la violence au Mali. Malgré les problèmes de sécurité, le gouvernement a indiqué qu’au 30 septembre on comptait 74 205 réfugiés maliens rentrés au Mali des pays voisins.

Protection temporaire : L’Office des migrations internationales, organe public, est responsable de la protection temporaire des personnes qui ne peuvent pas prétendre au statut de réfugié. La Commission nationale chargée des réfugiés quant à elle étudie les demandes d’asile et de statut de réfugié et apporte une protection temporaire aux personnes qui attendent une décision concernant l’obtention de l’asile.

g. Apatrides

Sans objet.

Section 3. Liberté de participer au processus politique

La Constitution et la loi donnent aux citoyens la capacité de choisir leur gouvernement par la voie d’élections périodiques libres et équitables, à bulletin secret, au suffrage universel et égal, et les citoyens ont exercé ce droit.

Élections et participation au processus politique

Élections récentes : En 2018, le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a remporté l’élection présidentielle, jugée par des observateurs internationaux comme ayant répondu aux normes minimales acceptables malgré certaines irrégularités et des actes de violence limitée. Le premier tour de l’élection, dont les deux gagnants se sont affrontés au cours d’un second tour de scrutin, comptait 24 candidats dont une femme.

La campagne électorale a été fortement affectée par les conditions en matière de sécurité dans les régions du nord et du centre du pays. La liberté de mouvement et de circulation limitée, des problèmes logistiques et des restrictions financières ont empêché de nombreux candidats de l’opposition de faire campagne dans l’essentiel de ces régions alors que les responsables publics continuaient de s’y rendre pour la gestion des programmes.

Tous les candidats ont globalement bénéficié d’une couverture médiatique publique identique, répondant aux normes définies par le Comité national de l’égal accès aux médias d’État. Cependant, ces médias d’État ont favorisé IBK, président sortant, en proposant une couverture de ses actions en tant que candidat et président, ainsi que celles du gouvernement, mais pas des candidats de l’opposition.

Selon une déclaration d’août 2018 du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le général Salif Traoré, au cours du second scrutin, des incidents de sécurité et des problèmes d’accès, principalement dus à des routes emportées par de fortes pluies, ont eu une incidence sur 490 bureaux de vote, soit 2,1 % du nombre total, par rapport à 869 (soit 3,77 % du nombre total) lors du premier scrutin en juillet 2018. Selon Traoré, sur les 490 bureaux de vote fermés dans le pays, 440 se trouvaient dans la région de Mopti, dont 100 qui n’ont pas pu ouvrir parce qu’ils étaient inaccessibles. Le taux de participation était de 43 % lors du premier tour, et de 34,5 % lors du second.

Les élections législatives, d’abord prévues au mois d’octobre 2018, ont été repoussées jusqu’à au moins mai 2020, après qu’un premier délai de six mois par le gouvernement a été suivi d’une nouvelle prolongation d’une année du mandat actuel des députés.

Participation des femmes et des minorités : Il n’existe pas de lois limitant la participation des femmes et des membres des minorités au processus politique, et ils y ont participé activement. Toutefois, des facteurs culturels ont limité la participation des femmes dans la vie politique à des rôles officiels et officieux. Une loi adoptée en 2015 exige qu’au moins 30 % des places sur les listes électorales des partis soient réservées aux femmes et que 30 % des personnalités haut placées nommées au gouvernement soient des femmes. Elle a été pleinement appliquée avec le premier gouvernement du deuxième mandat du président Keïta, qui comptait 11 femmes sur 32 ministres. Quant au second cabinet formé en avril, huit des 38 ministres étaient des femmes. Il n’y avait que 14 femmes sur les 147 députés siégeant à l’Assemblée nationale. On comptait 4 femmes parmi les 62 membres de la Cour suprême, et 2 parmi les 9 membres de la Cour constitutionnelle, dont le président du tribunal.

L’Assemblée nationale comprenait au moins huit membres issus de minorités ethniques nomades et pastorales traditionnellement marginalisées et représentant les régions orientales et septentrionales de Gao, Tombouctou et Kidal. Le cabinet du Premier ministre comprenait un membre des minorités ethniques nomades.

Quatre députés faisaient partie de groupes armés du nord, notamment deux Touareg de Kidal associés au HCUA, un Touareg de Kidal associé au GATIA et un député de Gao associé au MAA. Les membres de l’Assemblée nationale auparavant alliés à Ansar Dine ont mis un terme à leur association avec ce groupe à la suite de l’intervention française en 2013.

Section 4. Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement

La loi prévoit des peines criminelles pour la corruption dans la fonction publique, mais elle n’a pas été appliquée avec rigueur et les fonctionnaires s’y sont livrés fréquemment en toute impunité. Il a été fait état de nombreux cas de corruption au sein du gouvernement pendant l’année.

Corruption : La corruption était courante dans tous les secteurs de l’administration. Les autorités ne tenaient pas les policiers responsables de leurs actes de corruption. Des responsables publics, policiers et gendarmes ont fréquemment sollicité des pots-de-vin. Certains rapports ont signalé que des policiers en uniforme ou des individus déguisés en policiers avaient dirigé des automobilistes vers des lieux sombres et isolés avant de les y dévaliser.

En juillet, le vérificateur général du Mali a publié son rapport 2018 sur le gaspillage, la fraude et les abus au sein du gouvernement et des institutions publiques. Aéroports du Mali et la mairie de la commune rurale de Baguineda ont fait l’objet d’enquêtes. En 2018, ces deux entités auraient perdu 2,12 milliards de francs CFA (soit plus de cinq millions de dollars É.-U.) versés par les contribuables maliens.

Déclaration de situation financière : La Constitution exige du président, du Premier ministre et des membres du gouvernement qu’ils présentent chaque année à la Cour suprême un relevé financier et une déclaration écrite de leur patrimoine. La Cour des comptes, instance de la Cour suprême, est responsable du suivi et de la vérification des déclarations de situation financière. Il n’existe pas de sanctions en cas de non-respect. La Cour des comptes exige de tout fonctionnaire qu’il établisse une déclaration de l’ensemble de ses actifs et passifs financiers au début et à la fin de son mandat, avec mises à jour annuelles tout au long de celui-ci. Ces déclarations ne s’appliquent cependant pas aux conjoints, ni aux enfants. L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, organe public responsable de la réception des déclarations de situation financière, était opérationnel à la fin de l’année et plus de mille responsables publics avaient soumis leur déclaration. En septembre, le président Keïta a présenté son relevé financier annuel et sa déclaration écrite de patrimoine à la Cour suprême. Bien que la Constitution exige que la présentation de ces documents soit publique, cela n’a pas été le cas.

Section 5. Attitude du gouvernement face aux enquêtes internationales et non gouvernementales sur les atteintes présumées aux droits de l’homme

Plusieurs groupes nationaux et internationaux de défense des droits de l’homme ont généralement fonctionné sans restriction gouvernementale ; ils ont mené leurs enquêtes et publié leurs conclusions sur des affaires relatives aux droits de l’homme. Les responsables gouvernementaux se sont montrés en général coopératifs et sensibles à leurs points de vue.

Organismes publics de défense des droits de l’homme : La CNDH est une institution indépendante recevant un soutien administratif et budgétaire du ministère de la Justice. Le gouvernement a continué de lui fournir des locaux et du personnel. L’adoption de la loi de 2016 relative à la CNDH et son application ont permis à la CNDH de progresser dans l’accomplissement de son mandat. Elle a gagné en efficacité et en autonomie. Le ministère de la Justice a réduit son contrôle du budget de la CNDH et la commission comptait de nombreux membres, y compris des représentants de la société civile. Avec un financement et des capacités accrus, la CNDH a émis des déclarations concernant plusieurs cas de violations des droits de l’homme, notamment le massacre d’Ogossagou, et a conduit des enquêtes sur des allégations d’exactions. En août, la CNDH a entrepris des missions à Diéma afin de faciliter le retour de victimes d’esclavage héréditaire déplacées. Elle a également publié une déclaration pour condamner cette pratique. L’actuel ministre de la Justice, nommé en mai, a précédemment exercé les fonctions de président de la CNDH.

En fin d’année, la commission d’enquête, créée par l’Assemblée nationale en 2014 pour enquêter sur les affrontements violents entre les forces gouvernementales et des groupes armés à Kidal, n’avait pas publié de rapport public sur ses conclusions.

Le ministère de la Défense a mis en place au moins trois commissions d’enquête en 2014 concernant les disparitions forcées perpétrées par l’armée en 2012. À la fin de l’année, aucune de ces commissions n’avait publié de rapports publics.

La Commission vérité, justice et réconciliation, créée en 2015 pour recevoir des preuves, tenir des audiences et recommander des mesures de justice transitionnelle pour les crimes et les violations des droits de l’homme à la suite de la crise de 2012, n’avait, en fin d’année, lancé aucune enquête.

Section 6. Discrimination, abus sociétaux et traite des personnes

Femmes

Viol et violences familiales : La loi criminalise le viol et le rend passible de peines allant de cinq à vingt ans de prison ; cependant, le gouvernement n’a pas fait appliquer la loi dans les faits. Le viol représentait un problème courant. Seul un faible pourcentage d’affaires de viol a conduit à des poursuites judiciaires par les autorités car les victimes ne signalaient que rarement les viols en raison de la pression sociale qu’elles subissaient, surtout parce que leurs agresseurs étaient souvent des proches et par crainte des représailles. Il n’existe pas de loi spécifique interdisant le viol conjugal, mais des responsables des forces de l’ordre ont déclaré que les lois pénales portant sur le viol s’appliquent également au viol conjugal. La police et les autorités judiciaires se sont montrées disposées à traiter les affaires de viol, mais abandonnaient les poursuites si un accord était atteint avant le procès.

La violence familiale à l’encontre des femmes, dont la violence conjugale, était courante au Mali. Une étude réalisée en 2012 et 2013 sur des questions de genre a révélé que la vaste majorité des femmes dans le pays étaient victimes de violence familiale et que 76 % des femmes estimaient acceptable qu’un homme batte son épouse pour avoir brûlé de la nourriture, pour s’être disputée avec lui, pour être sortie sans l’avoir prévenu, pour avoir été négligente avec les enfants ou pour avoir refusé des rapports sexuels. Par exemple, en septembre, à Bamako, un homme a poignardé son épouse avant de se donner la mort. En octobre, une femme a tué son mari dans un quartier de Bamako en réaction à des actes de violence conjugale. La violence conjugale est un délit, mais la loi n’interdit pas spécifiquement la violence familiale. Selon des organisations de défense des droits de l’homme, les cas n’ont pour la plupart pas été signalés en raison de tabous culturels et d’un manque de connaissance des recours juridiques. L’agression est passible d’une peine d’un à cinq ans de prison et d’une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 francs CFA (830 dollars É.-U.) ou, en cas de préméditation, d’une peine maximale de dix ans de prison. La police s’est souvent montrée réticente à intervenir dans les affaires de violence familiale. De nombreuses femmes ont hésité à porter plainte contre leurs maris parce qu’elles craignaient que ces derniers n’interprètent ces accusations comme motifs de divorce, parce qu’elles ne pouvaient pas se prendre en charge financièrement, voulaient éviter la stigmatisation sociale ou redoutaient de subir des représailles ou d’être encore plus ostracisées. La cellule nationale de la planification et des statistiques, chargée du suivi des poursuites judiciaires, ne produisait pas de statistiques fiables.

Selon le Groupe d’experts des Nations Unies, le Système de gestion de l’information sur la violence de genre a enregistré 210 cas de violence sexuelle liée aux conflits pour la période allant de janvier à avril, y compris des cas des mariages forcés, d’esclavage sexuel, de castration, de prostitution forcée et de grossesses forcées.

Dans son rapport d’août, le Groupe d’experts des Nations Unies sur le Mali a indiqué avoir reçu plusieurs signalements de cas de viols de femmes migrantes au cours de leur voyage. Le 19 mai, par exemple, quatre hommes armés ont intercepté, près du village d’Acharane, un véhicule de transport public en chemin de Bamako à Tombouctou. Les passagers ont été détroussés et une femme de 20 ans a été victime d’un viol collectif. Le 31 août, un groupe de sept personnes a harcelé et violé une fille dans le quartier de Nafadji à Bamako. Cinq des agresseurs demeuraient en détention, les autres ayant pris la fuite sans être capturés. L’affaire était en cours d’enquête. En octobre, pendant la seconde session de la Cour d’assises, des affaires d’agressions sexuelles et de viols ont été entendues ; un individu suspecté de viol a été prononcé coupable et a reçu une peine de 20 ans d’emprisonnement.

Mutilations génitales féminines/excision (MGF/E) : Au Mali, les MGF/E sont légales et, à l’exception de certaines régions du nord, très courantes dans l’ensemble des groupes ethniques et religieux, surtout dans les zones rurales. Quoique légale, cette pratique était interdite par les autorités dans les centres médicaux financés par des fonds publics.

En général, les parents faisaient pratiquer les MGF/E sur les fillettes âgées de six mois à neuf ans. La dernière étude exhaustive sur les MGF/E, menée par l’UNICEF en 2015, a indiqué que 83 % des filles et des femmes âgées de 15 à 49 ans étaient excisées, et 74 % d’entre elles avaient au moins une fille qui l’était également. Des campagnes de sensibilisation sur les dangers des MGF/E ont été mises en place par le gouvernement dans l’ensemble du pays lorsque les conditions de sécurité le permettaient, et des organisations de défense des droits de l’homme ont signalé une baisse de l’incidence de la pratique chez les enfants de parents éduqués.

Pour de plus amples informations, voir l’Annexe C.

Harcèlement sexuel : La loi n’interdit pas le harcèlement sexuel et il s’est produit couramment, notamment dans les établissements d’enseignement, sans aucun effort de prévention de la part des autorités.

Pressions en matière de contrôle démographique : Il n’a pas été fait état d’avortements forcés ou de stérilisations involontaires.

Discrimination : La loi ne prévoit pas l’égalité entre les hommes et les femmes sur le plan de leur statut juridique et de leurs droits, particulièrement en matière de divorce ou d’héritage. Légalement, les femmes doivent obéir à leur mari et sont particulièrement vulnérables dans les affaires de divorce, de garde des enfants et d’héritage. Elles disposaient d’un accès très limité aux services juridiques compte tenu de leur manque d’éducation et d’information, et du coût prohibitif de ces services. Le gouvernement a appliqué ces dispositions avec efficacité.

Bien que la loi prévoie l’égalité des droits en matière de propriété, les pratiques traditionnelles et l’ignorance de la loi ont empêché les femmes de bénéficier entièrement de ces dispositions. Le contrat de mariage doit préciser si le couple souhaite partager les droits à l’héritage. En outre, si le type de mariage n’est pas précisé sur le certificat de mariage d’un couple musulman, les juges supposent qu’il s’agit d’un mariage polygynique.

Les femmes ont été victimes de discrimination économique en raison des normes sociales qui avantageaient les hommes et leur accès à l’éducation et à l’emploi était limité.

Le ministère de la Promotion de la femme, de l’Enfant et de la Famille est chargé de garantir les droits juridiques des femmes.

Enfants

Selon les estimations de 2018, 57,9 % de la population du pays a moins de 18 ans. Les Nations Unies estiment que 1,6 million d’enfants avaient besoin d’aide humanitaire. Selon les données de l’UNICEF concernant les enfants, des attaques répétées ont provoqué des morts, des blessures par balles et brûlures, des déplacements et des séparations familiales et ont exposé des enfants à des violences (y compris des viols et d’autres formes de violence sexuelle), des arrestations et des détentions, et des traumatismes psychologiques. On estimait que des centaines d’enfants participaient encore à des groupes armés et que plus de 900 écoles demeuraient fermées en raison de l’insécurité. Les enfants représentaient jusqu’à 52 % des PDIP au Mali.

Enregistrement des naissances : La citoyenneté malienne s’obtient soit par la filiation, soit par la naissance sur le territoire national. La loi exige que la naissance d’un nouveau-né soit déclarée dans les 30 jours. Une amende peut être imposée pour tout enregistrement se produisant après le délai de 30 jours. Les filles avaient moins de chances d’être enregistrées à leur naissance.

Le gouvernement n’a pas enregistré systématiquement toutes les naissances, surtout en milieu rural. Certaines organisations ont indiqué qu’il n’y avait pas assez de bureaux d’enregistrement pour répondre aux besoins de tous les villages, ce qui a contribué aux faibles taux d’enregistrement dans certaines zones. Selon l’UNICEF, en 2014, le gouvernement a enregistré 81 % des naissances. Le gouvernement a mené un recensement administratif en 2014 afin de recueillir des données biométriques et affecter à chaque citoyen un numéro d’identification unique. Ce processus a permis l’enregistrement d’enfants qui n’avaient pas été enregistrés à la naissance, même si le nombre de nouveaux actes de naissance délivrés n’était pas connu. Au cours de l’année, plusieurs ONG locales ont travaillé en collaboration avec des partenaires étrangers pour procéder à l’enregistrement des enfants à la naissance et en expliquer les avantages aux parents. L’enregistrement des naissances a par ailleurs joué un rôle essentiel dans la protection des enfants, facilitant également leur libération et réinsertion en cas de recrutement par un groupe armé ou d’incarcération. En août, la Croix-Rouge malienne, en collaboration avec la MINUSMA, a facilité l’enregistrement des naissances et la délivrance d’actes de naissance à 500 enfants de zéro à 14 ans dans les cercles de Kidal et de Tin-Essako dans le nord du pays.

Éducation : La Constitution assure la gratuité de l’éducation universelle et la loi prévoit la scolarité obligatoire des enfants de six à quinze ans. Cependant, bon nombre d’entre eux n’étaient pas scolarisés. Les parents devaient souvent payer les frais de scolarité de leurs enfants et leur acheter uniformes et fournitures scolaires. Parmi les autres facteurs influant sur la scolarisation figuraient notamment les distances à parcourir pour aller à l’école la plus proche, l’absence de transports et le manque d’enseignants, de matériel pédagogique et de cantines scolaires. Le taux de scolarisation des filles était inférieur à celui des garçons à tous les niveaux en raison de la pauvreté, des préférences culturelles pour l’éducation des garçons, et du mariage précoce et du harcèlement sexuel des filles.

Le conflit a entraîné la fermeture d’écoles dans les régions de Gao, Kidal, Tombouctou, Mopti et Ségou et a endommagé ou détruit de nombreuses écoles, les rebelles les utilisant parfois comme bases d’opérations. La MINUSMA a signalé qu’au moins dix écoles ont été attaquées ou prises pour cible. Selon l’UNICEF, en juillet, les menaces de groupes djihadistes à l’encontre d’enseignants et de communautés avaient entraîné la fermeture de plus de 900 écoles lors de l’année scolaire 2018-2019, par rapport à 657 pour l’année scolaire 2017-2018, touchant plus de 270 000 élèves. Au moins 60 % des écoles fermées se trouvaient dans la région de Mopti. Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a estimé que 71 % des garçons en âge de fréquenter l’école primaire et 63 % des filles du même âge étaient effectivement inscrits. Ces chiffres tombaient à 32 % et 26 % respectivement pour les enfants en âge d’aller à l’école secondaire.

Maltraitance d’enfants : Il n’existait pas de statistiques publiques complètes sur la maltraitance d’enfants, mais le problème était très répandu. En général, les citoyens ne signalaient pas les cas de maltraitance d’enfants. Lors de la première moitié de l’année, plus de 150 enfants ont été tués (deux fois plus que sur toute l’année 2018), 75 ont été mutilés, 39 ont été incarcérés et 377 000 avaient besoin d’une protection et d’une aide accrues en raison d’attaques jihadistes ou de violences intercommunautaires. La MINUSMA a également fait état d’une augmentation du nombre de violations graves des droits des enfants, à savoir : le recrutement et l’exploitation d’enfants soldats, les meurtres et mutilations d’enfants, les viols et autres violences sexuelles graves, les enlèvements, les attaques contre les écoles et les hôpitaux, ou le refus de laisser les enfants accéder à l’aide humanitaire. Le troisième rapport trimestriel de la MINUSMA, publié en octobre, a identifié 284 cas, contre 145 pour la période visée par le rapport précédent. La police et les services sociaux du ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire ont effectué des enquêtes et sont intervenus dans certains cas signalés de maltraitance ou de négligence d’enfants ; l’État, en revanche, a fourni peu de services pour les enfants victimes de ces situations.

Mariage précoce et mariage forcé : L’âge minimum du mariage sans consentement parental est de 16 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons. Une fille de 15 ans peut se marier avec le consentement de ses parents sur approbation d’un juge civil. Cependant, les autorités n’ont pas appliqué la loi dans les faits, surtout dans les zones rurales, et le mariage de personnes d’âge inférieur à l’âge légal était un problème dans l’ensemble du pays. Des filles étaient également prises pour « épouses » par des combattants et des dirigeants de groupes armés. Selon les données 2017 du Fonds des Nations Unies pour la Population, 52 % des femmes étaient, à 18 ans, déjà mariées, et 17 % l’étaient avant l’âge de 15 ans.

Dans certaines régions du pays, en particulier Kayes et Koulikoro, des filles qui n’avaient parfois que 10 ans se mariaient. Il était de pratique courante dans le pays qu’une fille de 14 ans épouse un homme deux fois plus âgé qu’elle. Selon les organisations locales de défense des droits de l’homme, les autorités ont fréquemment accepté de faux actes de naissance ou d’autres documents falsifiés faisant valoir que des filles de moins de 15 ans avaient l’âge requis pour se marier. Des ONG ont mis en œuvre des campagnes de sensibilisation axées sur la réduction du nombre des mariages d’enfants.

Exploitation sexuelle des enfants : La loi interdit l’exploitation sexuelle des enfants, y compris à des fins commerciales. Les contrevenants coupables de l’exploitation sexuelle tant des enfants que des adultes s’exposent à des peines allant de six mois à trois ans de prison et à des amendes comprises entre 20 000 et un million de francs CFA (entre 33 et 1 661 dollars É.-U.). Les trafiquants d’enfants reconnus coupables sont passibles de peines de cinq à vingt ans d’emprisonnement. Les sanctions pour attentat à la pudeur, y compris la pédopornographie, sont également de cinq à vingt ans de prison. Le pays dispose d’une loi sur l’abus sexuel sur mineur qui fixe l’âge minimum pour les rapports sexuels consensuels à 18 ans, mais comme elle n’était pas harmonisée avec celle sur l’âge minimum légal du mariage des filles, qui est de 15 ans, elle n’était pas appliquée. Des cas d’exploitation sexuelle d’enfants se sont produits. La Brigade des mœurs et de la protection de l’enfance de la police nationale a parfois ratissé des maisons closes pour s’assurer que les personnes qui se prostituaient avaient l’âge légal et arrêté les propriétaires de celles qui renfermaient des filles plus jeunes que l’âge minimum. Entre janvier et avril, 60 % des plus de 1 000 victimes de violences sexistes (notamment viols, agressions sexuelles et violences physiques et psychologiques) étaient des filles.

Enfants soldats : Selon l’UNICEF, pendant l’année, au moins 99 enfants ont été identifiés comme étant associés à des groupes armés. Des centaines d’autres enfants auraient été affiliés à des groupes armés, même si des données précises n’existent pas. Les enfants peuvent porter des armes et être utilisés dans les combats ou forcés de travailler pour un groupe armé dans le cadre de ses opérations, faisant office d’espions, de messagers, de porteurs, de cuisiniers ou s’occupant du nettoyage des camps, des véhicules et des armes.

Solidarité pour le Sahel, une ONG locale établie à Kidal, a identifié et accueilli 60 enfants dans son centre de protection en 2018. Parmi ces enfants se trouvaient deux filles qui avaient été recrutées par des groupes armés signataires à Tessalit, Aguelhok et Kidal. Les enfants étaient principalement utilisés en tant que porteurs, les filles étant également chargées de la préparation des repas.

Entre avril 2017 et le mois d’août, la Direction nationale de la promotion de l’enfant et de la famille a enregistré 86 enfants associés avec des groupes armés. Parmi ces enfants, 29 ont été identifiés en 2017, 24 en 2018 et 33 en 2019. Ils ont tous reçu de l’aide du gouvernement et d’ONG nationales et internationales. En septembre, les centres d’accueil de Bamako, Mopti et Gao s’occupaient toujours de trois enfants, les autres ayant été réunis avec leurs familles. Parmi les enfants identifiés au cours de l’année, 22 étaient associés avec des groupes djihadistes actifs dans la région de Mopti, alors que trois ont été identifiés à Kidal, un à Tombouctou et six au Niger.

Infanticide ou infanticide d’enfants porteurs de handicap : Certaines personnes prostituées et des travailleurs domestiques pratiquaient l’infanticide, surtout en raison d’un manque d’accès à la contraception et de connaissances en la matière. Les autorités ont engagé des poursuites dans au moins cinq affaires d’infanticide au cours de l’année.

Enfants déplacés : L’UNICEF a rapporté qu’au cours du premier semestre, il avait réuni 287 enfants non accompagnés avec leurs responsables. En octobre, la DNPEF a identifié 392 enfants déplacés dans trois lieux d’hébergement pour PDIP à Bamako.

Enlèvements internationaux d’enfants : Le Mali n’est pas partie à la Convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Veuillez consulter le rapport du département d’État intitulé Annual Report on International Parental Child Abduction (Rapport annuel sur les enlèvements parentaux internationaux d’enfants – en anglais seulement) à l’adresse suivante : https://travel.state.gov/content/travel/en/International-Parental-Child-Abduction/for-providers/legal-reports-and-data/reported-cases.html.

Antisémitisme

La population juive comptait moins de 50 membres, et aucun acte antisémite n’a été signalé.

Traite des personnes

Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report/.

Personnes porteuses de handicap

La Constitution et la loi ne protègent pas spécifiquement les droits des personnes en situation de handicap physique, sensoriel ou mental ou des personnes atteintes de déficience intellectuelle dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, des transports notamment aériens, de l’accès aux soins de santé, du judiciaire ou de l’obtention d’autres services dispensés par les pouvoirs publics. Il n’existe pas de loi mandatant l’accessibilité des édifices publics. Bien que les personnes en situation de handicap aient accès aux soins de santé de base, leur protection ne constituait pas une priorité pour les pouvoirs publics, et les ressources disponibles étaient rares. Bon nombre d’entre elles en étaient réduites à la mendicité.

Les personnes en situation de handicap mental étaient confrontées à une stigmatisation sociale et à l’isolement dans les institutions publiques. Si un juge d’instruction pensait que, dans une affaire pénale, un suspect était porteur de handicap mental, il le référait à un médecin pour procéder à une évaluation de ses capacités mentales. Sur les recommandations du médecin, qui manquait parfois de formation en psychologie, le tribunal pouvait ensuite soit envoyer le suspect dans un hôpital psychiatrique de Bamako, soit engager un procès.

Le ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire est chargé de protéger les droits des personnes en situation de handicap. Il a ainsi parrainé des activités destinées à promouvoir les opportunités de génération de revenus pour les personnes en situation de handicap et a travaillé avec des ONG qui fournissent des services de base, telles que la Fédération malienne des associations de personnes handicapées. Bien qu’elles soient placées sous la responsabilité des pouvoirs publics, les huit écoles pour malentendants du pays ne recevaient quasiment aucun soutien ou ressources de leur part.

Minorités nationales/raciales/ethniques

La discrimination sociale envers les Touareg noirs, souvent appelés Bellas, s’est poursuivie. Certains groupes touareg ont privé les Touareg noirs de leurs libertés civiles fondamentales en raison de pratiques traditionnelles apparentées à l’esclavage et de relations de servitude héréditaire.

L’on a continué à signaler des enlèvements par des maîtres d’enfants de leurs esclaves bellas, qui ne disposaient d’aucun recours juridique. Ces maîtres d’esclaves considéraient ces derniers ainsi que leurs enfants comme des biens leur appartenant et auraient emporté ces enfants d’esclaves pour les élever ailleurs sans la permission de leurs parents. L’organisation de lutte contre l’esclavage Temedt a organisé des ateliers dans l’ensemble du pays pour tenter de convaincre les communautés d’abandonner la pratique de l’esclavage. En juillet, plus de 2 000 familles ont été déplacées et empêchées de cultiver des terres et d’accéder aux services sociaux dans les zones de Diéma, Nioro du Sahel et Yélimané, dans la région de Kayes, parce qu’elles refusaient de perpétuer des pratiques relevant de l’esclavage. Certaines des victimes ont été frappées et maltraitées. Selon certains rapports, 66 villages ont décidé de forcer les personnes refusant les pratiques esclavagistes à quitter ces localités. La CNDH ainsi que d’autres organisations de défense des droits de l’homme ont condamné la situation et appelé le gouvernement à passer à l’action. En mars, le gouvernement a publié une déclaration mettant en garde contre cette pratique, mais sans prendre de mesure pour sanctionner la pratique de l’esclavage.

En septembre, deux hommes du village de Kremis, dans la région de Kayes, ont été contraints de fuir à Yélimané après avoir publiquement contesté leur statut social en tant que descendants d’esclaves. L’un d’entre deux a été ligoté et publiquement humilié sur les ordres du chef de Kremis, avant de réussir à s’enfuir.

Les violences intercommunautaires ont entraîné des affrontements fréquents entre des membres des groupes ethniques foulanis ou peuls et, indépendamment de cela, entre des membres des communautés bambaras et dogons, pour motif de soutien présumé aux islamistes armés liés à Al-Qaïda. Selon Human Rights Watch, cette tension a donné lieu à des « groupes d’autodéfense » ethniques, chassé des milliers des personnes de chez elles, nui aux moyens de subsistance et entraîné un problème de famine généralisée. De tels groupes, représentant ces communautés, auraient participé à plusieurs attaques de nature communautaire. Les attaques de représailles auraient été plus fréquentes et plus meurtrières.

Dans le centre du pays, les violences intercommunautaires se sont intensifiées. Des affrontements entre les communautés dogons et foulanis ont été exacerbés par la présence de groupes extrémistes et provoqué la mort d’un grand nombre de civils. Le 23 mars, à Ogossagou, dans la région de Mopti, un groupe d’hommes armés, apparemment composé en majorité de Dogons, a tué au moins 157 membres d’une communauté foulani, y compris des femmes et 46 enfants. Il s’agissait du massacre le plus meurtrier du Mali depuis 2012. Un groupe supplémentaire de 65 civils auraient été blessés et 95 % du village ont été brûlés. En mai, au moins 10 suspects avaient été arrêtés et une enquête pénale avait été lancée par le Pôle judiciaire spécialisé en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.

Le 10 juin, des affrontements entre des chasseurs dogons et des éleveurs foulanis à Sobane Da, un village dogon dans la région de Bandiagara, ont fait au moins 35 morts dans la communauté dogon, y compris des enfants.

Autre exemple : le 10 août, des hommes armés non identifiés ont attaqué la localité de Donkono, dans le cercle de Bankass (région de Mopti), tuant deux civils, en blessant plusieurs autres et incendiant de nombreuses habitations.

Selon un rapport publié en décembre 2018 par Human Rights Watch, il y a eu, au cours d’année 2018, au moins 26 attaques séparées contre des villages foulanis (supposément par des groupes d’autodéfense bambaras et dogons), faisant au minimum 156 morts parmi les civils. Le rapport a également fait état d’au moins 50 villageois foulanis toujours portés disparus, dont des enfants. De même, 45 villageois dogons ont été tués lors de 16 attaques qui auraient été menées par des groupes armés islamistes soutenus par des groupes d’autodéfense foulanis.

Le dernier rapport trimestriel de la MINUSMA, publié en octobre, a recensé 331 incidents faisant 367 morts, 221 blessés et 63 enlèvements au sein de la population civile. À titre de comparaison, la période précédente comptait 245 incidents, 333 civils tués, 175 blessés et 145 enlèvements. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a indiqué en juillet que le conflit intercommunautaire sévissant dans le nord, le centre et le sud du pays avait entraîné des déplacements d’une ampleur inédite depuis 2014. Le nombre de personnes déplacées a été estimé à 187 139, avec au moins 28 000 nouvelles PDIP entre les mois de mai et juin, soit plus du double du nombre enregistré à la même période en 2018. Un rapport de juin indiquait qu’au cours des six premiers mois de l’année, près de 50 000 PDIP fuyant les violences intercommunautaires avaient été enregistrées à Mopti, Sévaré et Fotama, dans le centre du pays, dont 2 000 à la suite du massacre d’Ogossagou.

Actes de violence, discrimination et autres abus basés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

La loi interdit toute association « à des fins immorales ». Aucune loi n’interdit la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Des ONG ont signalé que des personnes LGBTI avaient été victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles, considérées comme des punitions « correctives » aux yeux de la société. En majorité, les actes de violence ont été commis par des membres de la famille, des voisins et des groupes d’inconnus dans les espaces publics. La police a souvent refusé d’intervenir. Pour la plupart, les personnes LGBTI vivaient isolées et gardaient secrète leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Une ONG a signalé que les personnes LGBTI abandonnaient souvent leurs études, démissionnaient et s’interdisaient d’obtenir des soins médicaux pour protéger leur identité sexuelle et éviter la stigmatisation sociale.

Il n’existait pas d’organisations LGBTI connues au Mali, même si certaines ONG disposaient de programmes médicaux et de soutien visant spécifiquement les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.

Stigmatisation sociale liée au VIH et au sida

Des cas de discrimination sociétale contre des personnes vivant avec le VIH-sida se sont produits. Le gouvernement a mis en œuvre des campagnes pour sensibiliser davantage à ce fléau et diminuer la discrimination à l’encontre des personnes atteintes du virus.

Autres formes de violence sociétale ou de discrimination

La discrimination à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme s’est poursuivie. Certains chefs religieux traditionnels ont perpétué la croyance répandue selon laquelle elles possédaient des pouvoirs spéciaux qu’il était possible d’obtenir en leur apportant le sang ou la tête d’une personne atteinte d’albinisme. En octobre, par exemple, une femme enceinte albinos a été assassinée à Kita par un groupe d’individus comprenant son mari, sur les ordres d’un chef spirituel traditionnel. Deux des assaillants ont été arrêtés. À la fin de l’année, l’affaire restait en cours d’enquête au tribunal de grande instance de Kita. En novembre 2018, Salif Keïta, chanteur-compositeur et militant pour la cause des personnes atteintes d’albinisme, a organisé un forum international pour la protection de ces dernières en Afrique et a donné un concert de charité pour une fillette albinos de cinq ans qui a été enlevée, torturée et tuée au Mali en mai 2018. Salif Keïta a indiqué que les hommes divorcent souvent de leur épouse pour avoir donné naissance à un enfant atteint d’albinisme. La méconnaissance de l’albinisme contribuait au manque d’accès des personnes atteintes à des produits de protection solaire, sans lesquels ils étaient extrêmement sujets au cancer de la peau. Salif Keïta a fondé la Salif Keita Global Foundation en 2006, qui a offert des soins de santé gratuits aux personnes atteintes d’albinisme, plaidé pour leur protection et a fait de la sensibilisation pour tenter de mettre un terme aux mauvais traitements auxquels ces personnes sont sujettes.

Section 7. Droits des travailleurs

A. Liberté d’association et droit à la négociation collective

Les travailleurs, à l’exception des membres des forces armées, ont le droit de former des syndicats indépendants et d’y adhérer, le droit à la négociation collective et le droit de grève. Ces droits sont soumis à certaines restrictions. La loi stipule que les travailleurs doivent être employés dans la même profession avant de pouvoir former un syndicat. Un travailleur ne peut rester membre d’un syndicat que pendant un an après avoir quitté la fonction ou la profession liée à ce syndicat. Les membres responsables de la gestion d’un syndicat doivent être résidents maliens et ne pas avoir été reconnus coupables de crimes qui pourraient les empêcher de voter aux élections nationales. Le processus était long et complexe, et le gouvernement peut rejeter la demande d’enregistrement d’un syndicat pour des motifs arbitraires ou ambigus.

Seul le ministre du Travail et de la Fonction publique a le pouvoir de décider si un syndicat peut servir de représentant lors de la négociation collective au niveau sectoriel et d’approuver les accords en la matière. Toute négociation avec les syndicats est à la discrétion de l’employeur, qui est en droit de refuser. La loi permet tous les types de grève et interdit les représailles envers les grévistes. Une grève n’est légale que si les syndicats ont épuisé toutes les possibilités de conciliation et d’arbitrage obligatoires prévues dans le Code du travail. Des réglementations exigent des fonctionnaires et employés des entreprises publiques qu’ils déposent un préavis de grève de deux semaines avant toute action prévue et ouvrent une médiation et des négociations avec leur employeur et une tierce partie, généralement le ministère du Travail et de la Fonction publique. La loi ne permet pas aux travailleurs des « services essentiels » de faire grève, et le ministre du Travail peut ordonner un arbitrage contraignant les concernant. La loi définit « services essentiels » comme ceux dont l’interruption pourrait mettre en danger les vies, la sécurité personnelle ou la santé des citoyens ou avoir une incidence sur le fonctionnement normal de l’économie nationale ou sur un secteur industriel vital. Par exemple, la loi exige que les forces de police en grève assurent une présence minimale au siège et sur la voie publique. Cependant, le gouvernement n’a pas établi une liste des services essentiels. Toute participation à une grève illégale est passible de sanctions sévères, dont le licenciement et la déchéance d’autres droits, sauf les salaires et les congés. Les fonctionnaires ont exercé leur droit de grève au cours de l’année.

La loi interdit la discrimination antisyndicale et garantit la réintégration des travailleurs licenciés pour activités syndicales. Le gouvernement n’a pas fait effectivement appliquer les lois en question. Les peines encourues pour infractions aux dispositions sur l’interdiction de discrimination antisyndicale étaient trop peu sévères pour avoir un effet dissuasif. Le ministère du Travail et de la Fonction publique ne disposait pas de moyens suffisants pour effectuer des inspections ou mettre en place une médiation. Les procédures administratives et judiciaires étaient soumises à de longs retards et appels.

Les autorités n’ont pas systématiquement respecté la liberté d’association et le droit à la négociation collective, bien que les travailleurs aient généralement pu exercer leurs droits. Le gouvernement n’a pas toujours respecté le droit des syndicats de mener leurs activités sans ingérence.

Les syndicats et les organisations de travailleurs étaient indépendants du gouvernement et des partis politiques, mais étroitement alignés sur divers partis ou coalitions politiques. Le ministère des Mines est intervenu pour faciliter des négociations entre les ouvriers et la direction concernant la fermeture de la mine d’or de Morila. Certaines conventions collectives n’ont pas été renégociées depuis 1956.

B. Interdiction du travail forcé ou obligatoire

La loi interdit toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. Des cas de travail forcé se sont produits. La loi interdit l’utilisation contractuelle de personnes sans leur consentement, et les contrevenants sont passibles d’une amende et d’une peine de prison assorties de peines de travaux forcés. Les peines peuvent être doublées si la victime a moins de 15 ans. Cependant, les peines étaient rarement appliquées et donc insuffisantes pour avoir un effet dissuasif. Selon les ONG, le système judiciaire s’est montré réticent à s’impliquer dans les affaires de travail forcé. Le gouvernement n’a guère déployé d’efforts au cours de l’année pour prévenir ou éliminer le travail forcé, bien qu’il ait affecté un financement initial à son plan d’action de lutte contre la traite. Une commission du gouvernement a effectué un inventaire du mercure dans les mines d’or artisanales, qu’elle a cartographiées dans les régions aurifères de Kayes, Koulikoro et Sikasso, et créé une carte d’identité professionnelle pour les mineurs concernés. Le 17 septembre, un homme a été publiquement agressé dans le village de Kremis pour s’être opposé à l’esclavage héréditaire.

La plupart du travail forcé des adultes s’est produit dans le secteur agricole, en particulier la production de riz, l’extraction de l’or, les services domestiques, et d’autres secteurs de l’économie informelle. Le travail forcé des enfants s’est produit dans les mêmes secteurs. Des enseignants religieux corrompus ont forcé des garçons à mendier et à effectuer d’autres types de services ou de travaux forcés (voir la section 7.c.).

Les mines de sel de Taoudéni, dans le nord du pays, ont assujetti des hommes et des garçons, principalement du groupe ethnique songhaï, à la pratique ancienne de la servitude pour dettes. Des employeurs ont assujetti de nombreux Touareg noirs à des travaux forcés et des relations d’esclavage héréditaire, notamment dans les régions orientales et septentrionales de Gao, de Tombouctou et de Kidal (voir la section 6).

Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report/.

C. Interdiction du travail des enfants et âge minimum d’admission à l’emploi

La législation du travail fixe à 15 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi. Il est interdit à un enfant de travailler plus de huit heures par jour, quelles que soient les circonstances. Certaines des pires formes de travail des enfants sont interdites par le gouvernement. La liste des emplois dangereux préparée par le gouvernement interdit certaines activités aux enfants de moins de 18 ans. Les filles âgées de 6 à 18 ans ne peuvent pas travailler plus de six heures par jour. La loi s’applique à tous les enfants, y compris à ceux qui travaillent dans l’économie informelle et à leur propre compte. Des lacunes existent dans le cadre juridique du pays lorsqu’il s’agit de protéger adéquatement les mineurs des pires formes de travail des enfants. De plus, la loi ne répond pas aux normes minimales internationales concernant l’interdiction du travail forcé, l’interdiction de l’utilisation d’enfants dans des activités illicites et l’interdiction du recrutement militaire par des groupes armés non étatiques.

Le ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, par l’intermédiaire du Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants (CNS), le ministère de la Justice au travers des différents tribunaux, le ministère de la Sécurité par le biais de la Brigade chargée de la protection des mœurs et de l’enfance de la police nationale, l’Institut national de prévoyance sociale par l’entremise de son service de santé et le ministère du Travail et de la Fonction publique via l’inspection du travail se partageaient la responsabilité de faire appliquer la législation sur le travail des enfants. Les mécanismes de coordination interinstitutionnelle étaient inefficaces et complexes. Souvent, les autorités n’ont pas tenu compte de la législation sur le travail des enfants et n’ont pas fait respecter les lois en vigueur dans les faits. Les ressources, les inspections et les actions correctives n’étaient pas adéquates et les sanctions n’étaient pas suffisantes pour avoir un effet dissuasif.

Le travail des enfants, en particulier sous ses pires formes, constituait un grave problème. Il était surtout concentré dans le secteur agricole, particulièrement la production de riz et de coton, ainsi que dans les services domestiques, l’extraction de l’or, la mendicité forcée organisée par les écoles coraniques et d’autres secteurs de l’économie informelle.

Environ un quart des enfants âgés de cinq à 14 ans étaient économiquement actifs, et les employeurs assujettissaient plus de 40 % d’entre eux aux pires formes de travail des enfants. Nombreux sont ceux qui effectuaient des travaux agricoles dangereux. Des groupes armés ont utilisé des enfants soldats dans les régions du nord et du centre du pays (voir la section 1.g.). Plusieurs ont également été victimes de la traite. Certains employeurs ont forcé des enfants, surtout des filles, à travailler comme domestiques. Certains ont également forcé des enfants touareg noirs à travailler comme domestiques ou ouvriers agricoles.

Le travail des enfants était également un grave problème dans le secteur de l’extraction artisanale de l’or. Selon la Confédération syndicale internationale, au moins 20 000 enfants travaillaient dans des conditions extrêmement dures et dangereuses dans les mines d’or artisanales. Dans le cadre de leur travail, de nombreux enfants employaient aussi du mercure, substance toxique servant à la séparation de l’or du minerai.

Dans l’ensemble du pays, un nombre inconnu de garçons en âge d’aller à l’école primaire, en majorité âgés de moins de dix ans, ont fréquenté à temps partiel des écoles coraniques financées par leurs parents et eux-mêmes. Certains marabouts, maîtres coraniques, ont souvent forcé leurs élèves, appelés « garibouts » ou « talibés », dans le cadre de leurs travaux, à mendier dans la rue et à travailler comme journaliers dans les exploitations agricoles ; l’argent ainsi gagné était généralement remis à leurs professeurs. Dans certains cas, des talibés travaillaient comme domestiques sans percevoir de rémunération.

Le ministère du Travail et de la Fonction publique a effectué de rares inspections surprises et des visites à la suite de plaintes. Le manque de personnel et d’autres ressources et les salaires bas rendaient difficile l’application des lois dans le secteur informel. À Bamako, des procureurs géraient plusieurs enquêtes en cours sur des accusations relatives à d’éventuelles violations par des marabouts qui n’utilisaient les enfants qu’à des fins financières.

Veuillez consulter également les Conclusions du département du Travail sur les pires formes de travail des enfants à l’adresse suivante : https://www.dol.gov/agencies/ilab/resources/reports/child-labor/findings et la Liste du département du Travail des marchandises produites par le travail des enfants ou le travail forcé à l’adresse suivante : https://www.dol.gov/agencies/ilab/reports/child-labor/list-of-goods.

D. Discrimination en matière d’emploi et de profession

Le Code du travail interdit la discrimination en termes d’emploi et de profession fondée sur la race, le genre, la religion, l’opinion politique, la nationalité, le handicap, le statut social, l’état sérologique vis-à-vis du VIH et la couleur. L’inspection du travail, organe public, est responsable d’enquêter sur les cas de discrimination fondée sur la race, le genre, la religion, l’opinion politique, la nationalité et l’appartenance ethnique, et de les prévenir, mais les lois n’étaient pas appliquées avec efficacité. Les peines prévues en cas de violations étaient insuffisantes pour avoir un effet dissuasif.

Des cas de discrimination en termes d’emploi et de profession fondée sur le genre, l’orientation sexuelle, le handicap et l’appartenance ethnique se sont produits (voir la section 6). L’État, principal employeur du secteur formel, rémunérait les femmes techniquement au même tarif que les hommes pour du travail similaire, mais des différences dans les descriptions d’emploi permettaient une inégalité des salaires. Dans certains cas, des employeurs de groupes ethniques du sud du pays se rendaient coupables de discrimination à l’encontre de membres de groupes ethniques du nord.

E. Conditions de travail acceptables

Le salaire minimum officiel permet de vivre au-dessus du seuil de pauvreté fixé par la Banque mondiale. Cependant, il ne s’appliquait pas aux travailleurs du secteur informel et de l’agriculture de subsistance, soit la majorité des travailleurs. Le gouvernement complétait le salaire minimum par des avantages sociaux obligatoires, dont la sécurité sociale et les soins de santé. En janvier 2018, il a augmenté les salaires des travailleurs du secteur public après avoir conclu un accord de négociation collective avec le plus grand syndicat national des travailleurs, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). En août 2018, les banques et les compagnies d’assurance ont également augmenté les salaires de leurs employés.

La semaine de travail légale est de 40 heures, sauf dans le secteur agricole, où elle varie de 42 à 48 heures selon la saison. La loi exige une période de repos hebdomadaire de 24 heures et le paiement par les employeurs des heures supplémentaires de travail, qui sont légalement limitées à huit heures par semaine. La loi s’applique à l’ensemble des travailleurs, y compris les migrants et les domestiques, mais elle était régulièrement ignorée dans le secteur informel, qui représentait environ 87 % de l’ensemble des travailleurs.

La loi prévoit une vaste gamme de normes sanitaires et de sécurité sur le lieu de travail. Les travailleurs ont le droit de se soustraire aux situations qui présentent un danger pour leur santé ou leur sécurité sans risquer de perdre leur emploi et de demander qu’une enquête soit menée par la Caisse de sécurité sociale, chargée de recommander les mesures à prendre pour remédier, au besoin, à la situation. Cependant, dans les faits, les autorités n’ont pas protégé les employés dans ce type de situation. Avec le taux de chômage élevé, les travailleurs se sont souvent montrés peu disposés à signaler les infractions aux règles de sécurité du travail.

Le ministère du Travail et de la Fonction publique n’a pas bien assuré l’application de ces normes et n’a pas employé d’inspecteurs du travail en nombre suffisant. Le peu d’inspecteurs utilisés manquaient de ressources pour effectuer des enquêtes sur le terrain. De nombreux employeurs ne se sont pas conformés aux règlements relatifs aux salaires, aux heures de travail et aux avantages sociaux. Le ministère a mené quelques rares inspections dans les trois régions du nord du pays, où le gouvernement a interrompu des services publics depuis l’occupation de cette zone par des groupes armés et d’autres organisations en 2012. Les peines prévues étaient insuffisantes pour avoir un effet dissuasif et aucun organisme public n’a fait état de violations ou de sanctions. Les inspecteurs du travail ne se sont rendus sur les lieux de travail pour des visites et inspections surprises qu’à la suite de plaintes déposées par les syndicats.

Les conditions de travail présentaient des variations, mais c’est dans le secteur privé qu’elles étaient les plus mauvaises. Dans les petites exploitations agricoles familiales, les enfants travaillaient pour une rémunération faible, sinon inexistante. Certains employeurs ne rémunéraient leurs employés de maison que 7 500 francs CFA (14 dollars É.-U.) par mois. Les violations des lois sur les heures supplémentaires étaient courantes pour les enfants travaillant dans les villes, dans les mines d’or artisanales, dans les rizières et dans les champs de coton. Les organisations syndicales ont signalé que des employeurs ont fait usage de cyanure et de mercure dans les mines d’or, faisant courir un risque de santé publique aux travailleurs qui y étaient exposés. Malheureusement, les inspecteurs ne disposaient pas des ressources nécessaires pour recueillir des données crédibles sur les lieux de travail dangereux.