RÉSUMÉ ANALYTIQUE
Le Mali est doté d’un système démocratique constitutionnel qui a été mis à mal les 18 et 19 août, lorsque des militaires ont renversé le gouvernement élu. En septembre, après une brève période de régime militaire, un gouvernement de transition dirigé par des civils a été mis en place. Les dernières élections présidentielles ont eu lieu 2018 et le président Ibrahim Boubacar Keïta avait été réélu dans le cadre d’un processus qui avait répondu aux normes minimales acceptables. Les 29 mars et 19 avril, les élections législatives, qui avaient été reportées à plusieurs reprises, se sont tenues. Le 30 avril, la Cour constitutionnelle a invalidé les résultats provisoires du scrutin pour 30 sièges parlementaires, ce qui a déclenché des manifestations de grande ampleur et des appels à la démission d’Ibrahim Boubacar Keïta, alors président. Le 18 août, des militaires ont arrêté le président qui a démissionné le lendemain et prononcé la dissolution du gouvernement. Les officiers de l’armée ont constitué le Comité national pour le Salut du Peuple, qui a conservé le pouvoir jusqu’à la mise en place d’un gouvernement de transition le 25 septembre.
Administrativement, les forces de défense et de sécurité du Mali sont composées des Forces armées maliennes, de la gendarmerie nationale et de la garde nationale qui relèvent du ministère de la Défense, tandis que le contrôle opérationnel de la garde et de la gendarmerie nationales dépend également du ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Relevant du ministère de la sécurité, la police nationale est chargée de l’application de la loi et du maintien de l’ordre en zone urbaine, tandis que la gendarmerie nationale a les mêmes attributions en milieu rural et compte une unité spécialisée de sécurité frontalière. De temps à autre, la garde nationale et l’armée ont assuré ces fonctions dans les régions du nord où la police et la gendarmerie étaient absentes. Le ministère de la Sécurité et de la Protection civile est notamment responsable du maintien de l’ordre dans les circonstances exceptionnelles, comme les catastrophes naturelles et les émeutes. L’administration pénitentiaire nationale relève du ministère de la Justice. Les services de renseignement du pays sont habilités à enquêter sur n’importe quelle affaire et à placer des individus en garde à vue temporaire à la discrétion de leur directeur général, qui est sous l’autorité directe du président. Ces services ont habituellement uniquement détenu des personnes en lien avec des affaires de terrorisme et de sûreté nationale. Les autorités civiles n’ont pas toujours maintenu un contrôle efficace des forces de sécurité civiles et militaires. Au cours de l’année, les groupes de surveillance ont remarqué une hausse des accusations à l’encontre des forces de défense et de sécurité, notamment concernant des exécutions sommaires et des disparitions forcées pendant les opérations. Les membres des forces de sécurité ont commis de nombreuses exactions.
Le Mali a traversé de graves périodes de violence communautaire et extrémiste, qui sont venues s’ajouter aux troubles politiques. Les violences entre des éleveurs nomades foulanis et des Dogons vivant de l’agriculture et de la chasse se sont intensifiées durant l’année et le nombre de déplacés internes dans le pays pays a quadruplé de juillet 2018 à juillet 2020. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali et l’opération française de lutte contre le terrorisme, Barkhane, ont poursuivi leurs opérations dans le pays.
Les problèmes importants en matière de droits de l’homme étaient, entre autres, les suivants : des exécutions illégales ou arbitraires, notamment des exécutions extrajudiciaires, commises par des acteurs publics et non étatiques, des disparitions forcées perpétrées par les forces gouvernementales, des actes de torture et des cas de traitement cruel, inhumain ou dégradant commis par les forces du gouvernement, des conditions carcérales très dures et délétères, des arrestations ou détentions arbitraires, des prisonniers ou détenus politiques, de graves problèmes d’indépendance du pouvoir judiciaire, de graves exactions dans le cadre d’un conflit interne, de sérieuses atteintes à la liberté de la presse et d’internet, y compris l’existence de lois érigeant la diffamation et la calomnie en infractions pénales, des atteintes importantes à la liberté de réunion pacifique, de graves actes de corruption, l’absence d’enquêtes et de redevabilité en matière de violence à l’encontre des femmes, le recrutement illégal et l’emploi d’enfants soldats par des forces gouvernementales et des groupes armés non étatiques parmi lesquels certains recevaient un appui du gouvernement, la traite des personnes, des crimes violents visant des minorités nationales et ethniques, des crimes impliquant des violences ou menaces de violence ciblant des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, le recours à la loi pour sanctionner les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe ainsi que l’existence des pires formes de travail des enfants.
Les pouvoirs publics n’ont fait guère d’efforts pour enquêter sur les agents de l’État ayant commis des violations, ni pour les traduire en justice ou les sanctionner, que ce soit au sein des forces de sécurité ou dans d’autres secteurs du gouvernement. L’impunité pour les crimes graves commis dans les régions du nord et du centre du pays se poursuivait à de rares exceptions près. Si les affaires concernant des massacres, des disparitions forcées ou d’autres graves violations des droits de l’homme allaient rarement au-delà de la phase d’enquête, en octobre, cinq affaires étaient prêtes en vue d’un procès.
Des milices ethniques ont également commis de graves violations des droits de l’homme, dont des exécutions sommaires, la destruction d’habitations et de magasins d’alimentation, ainsi que la mise à feu de villages entiers. Malgré la signature de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali de 2015, (Accord de paix d’Alger), des groupes armés signataires ont commis de graves violations des droits de l’homme, notamment des exécutions sommaires, des actes de torture et l’emploi d’enfants soldats. Des groupes terroristes, notamment affiliés à l’État islamique au Grand Sahara et la coalition d’Al-Qaïda Jama’a Nusrat al-Islam wal Muslimin, qui ne sont pas parties au processus de paix, ont enlevé et tué des civils, parmi lesquels des travailleurs humanitaires et des membres des forces armées et du maintien de la paix. De graves exactions ont également été reprochées aux forces armées du Burkina Faso et du Niger, qui menaient des opérations antiterroristes dans le pays. Une enquête menée par l’armée nigérienne a réfuté les accusations impliquant des forces nigériennes et conclu que les extrémistes étaient les responsables des violences. À la fin de l’année, aucune information n’était disponible quant à une éventuelle enquête des autorités du Burkina Faso au sujet des accusations portant sur les allégations d’exactions commises par des forces burkinabées.
Section 1. Respect de l’intégrité de la personne, y compris le droit de vivre à l’abri des atteintes suivantes :
a. Privation arbitraire de la vie et autres exécutions extrajudiciaires ou à motivations politiques
Des exécutions arbitraires ou extrajudiciaires imputées aux pouvoirs publics ou à leurs agents ont été signalées au cours de l’année (voir la section 1.g.). La gendarmerie est l’organe chargé de mener les enquêtes initiales sur les forces de sécurité. Les affaires sont ensuite transmises au ministère de la Justice pour qu’il enquête sur les allégations de violences policières, ou au tribunal militaire du ministère de la Défense pour qu’il enquête sur les accusations d’exactions commises par des militaires. En fonction de l’infraction et des capacités du tribunal militaire, certaines affaires concernant des exactions de l’armée peuvent être prises en charge par le ministère de la Justice.
Le 11 mai, dans la commune de Kayes située dans la région centrale du pays, un policier qui n’était pas en service aurait abattu par balles un adolescent pour une infraction de la circulation, ce qui a provoqué des manifestations pendant les jours qui ont suivi et fait au moins deux morts. Les forces de sécurité ont été accusées d’avoir tué ces deux autres civils mais une enquête de la gendarmerie a conclu que c’était un manifestant qui les avait tués.
Entre le 10 et le 13 juillet, 14 personnes au total, parmi lesquelles deux enfants, ont été tuées au cours des interventions des forces de sécurité lors des manifestations contre le gouvernement à Bamako. En novembre, la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a imputé ces décès à la gendarmerie nationale, la police nationale, la garde nationale et la Force spéciale antiterroriste (Forsat). Qui plus est, elle a fait remarquer que la Forsat, dont elle avait conclu que les actes avaient fait deux des 14 morts, avait non seulement eu recours à une force disproportionnée mais aussi agi dans l’illégalité en intervenant dans des opérations de maintien de l’ordre qui ne relevaient pas du cadre de sa mission de lutte contre le terrorisme. Human Rights Watch et Amnesty International ont également documenté le recours à une force excessive par les forces de sécurité ainsi que le rôle joué par la Forsat pendant ces mêmes manifestations. Le 15 juillet, le bureau du Premier ministre d’alors a annoncé une enquête sur les accusations quant au rôle joué par la Forsat dans ces décès et, le 3 décembre, le Conseil national du gouvernement de transition a recommandé que soient menées de nouvelles enquêtes au sujet des événements survenus entre le 10 et le 13 juillet.
De son côté, la DDHP de la MINUSMA, qui était chargée du suivi des violations des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire, a rapporté que plus de 700 civils avaient été tués entre janvier et juin. Parmi les organes impliqués, les forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) auraient perpétré au moins 195 exécutions extrajudiciaires pendant les six premiers mois de l’année. Parmi d’autres cas d’exécutions extrajudiciaires documentés par Amnesty International au cours de l’année, le 16 février, les forces armées maliennes auraient exécuté cinq personnes non armées à Belidanedji, un village situé dans le centre du pays. Plusieurs enquêtes ordonnées par le ministère de la Défense sur les exécutions extrajudiciaires étaient encore en cours.
Des groupes terroristes, des groupes armés signataires et non signataires de l’Accord d’Alger, ainsi que des milices ethniques ont commis de nombreuses exécutions arbitraires en rapport avec le conflit interne. Toujours selon les notes trimestrielles de la DDHP couvrant les six premiers mois de l’année, des éléments terroristes se seraient rendus responsables de 82 tueries tandis que les groupes armés signataires et non signataires de l’Accord d’Alger, parmi lesquels la Plateforme des milices du nord (la Plateforme) et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) auraient causé la mort d’au moins 18 personnes. Qui plus est, la DDHP a signalé que la violence intercommunautaire, souvent du fait des milices ethniques, avait contribué à la mort de 350 civils au moins durant la même période. Les notes de la DDHP faisaient également état d’exécutions extrajudiciaires à l’intérieur du territoire national commises par des membres de la force conjointe G5 Sahel (18), les forces armées nigériennes (34) et les forces armées burkinabées (50).
Des attaques menées par des groupes extrémistes et des éléments criminels ont continué de dépasser les zones du nord du pays pour gagner les régions de Mopti et de Ségou, dans la partie centrale du pays, ainsi que la région de Kayes à l’ouest. Les groupes extrémistes employaient fréquemment des engins explosifs improvisés pour cibler tant les civils que les forces de sécurité gouvernementales et internationales. Par exemple, le 7 juin, un bus transportant des civils qui circulait de Dianweli à Douentza, dans la région de Mopti, a heurté un engin explosif improvisé. Cet accident a fait sept morts et au moins 24 blessés. Le 19 mars, lors d’une attaque non liée à des engins explosifs improvisés, des individus armés ont attaqué le camp militaire de Tarkint, dans la région de Gao, tuant au moins 29 soldats et en blessant cinq autres. Le 10 mai, un convoi de la MINUSMA a percuté un engin explosif improvisé à Aguelhoc, dans la région de Kidal, faisant au moins trois morts et quatre blessés chez les soldats du maintien de la paix. Des engins explosifs improvisés ont également été utilisés à maintes reprises pour cibler des infrastructures majeures, telles que des ponts, coupant ainsi des communautés de l’aide humanitaire, des grands axes commerciaux et des forces de sécurité.
Les poursuites lancées contre des suspects, notamment Amadou Sanogo, l’auteur du coup d’État de 2012, pour la disparition, la torture et le meurtre de 21 Bérets rouges (membres du 33e régiment des commandos parachutistes des FAMa) en 2012, ainsi que le colonel Youssouf Traoré, ancien membre de la junte, n’ont pas beaucoup avancé. Le 28 janvier, la Cour d’appel de Bamako a accordé à Amadou Sanogo, incarcéré depuis 2013, la liberté conditionnelle aux motifs que sa période de détention provisoire avait été excessivement longue.
b. Disparitions
Il a été fait état de nombreux cas de disparitions forcées attribuées à des groupes extrémistes et, dans certains cas, aux forces maliennes de défense et de sécurité dans les régions du centre et du nord du pays. La DDHP de la MINUSMA a rapporté que les forces maliennes de défense et de sécurité avaient été responsables de 40 disparitions au cours des six premiers mois de l’année tandis que des groupes armés auraient perpétré 71 disparitions forcées ou enlèvements au cours de la même période. Dans son rapport de juin sur les violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité au Sahel, Amnesty International a également fait état de dizaines de disparitions forcées et de possibles exécutions sommaires aux mains des forces maliennes de défense et de sécurité pendant des des opérations de lutte contre le terrorisme et à d’autres occasions. En décembre 2019, au moins 26 personnes, qu’on n’a jamais revues par la suite, ont été arrêtées par une patrouille des FAMa au marché de Maliemana à Ségou. Des dépouilles auraient été découvertes sept jours plus tard dans un puits du village voisin de N’Doukala. Les pouvoirs publics ont diffusé un communiqué 10 jours après les arrestations, pour annoncer une enquête et, en décembre, un ordre de poursuites militaires aux fins d’enquêter officiellement sur ces allégations devait être exécuté une fois qu’un juge d’instruction aurait été désigné. L’ONU a lancé une mission d’établissement des faits à l’égard de ces accusations, mais ses résultats n’ont pas été rendus publics. Dans un cas très médiatisé d’enlèvement par des groupes armés, le 25 mars, le leader de l’opposition et ancien candidat à la présidence Soumaïla Cissé a été enlevé alors qu’il faisait campagne pour les élections législatives. Cet enlèvement aurait été perpétré par le Front de libération du Macina d’Amadou Kouffa, une organisation affiliée au Jama’a Nusrat al-Islam wal Muslimin (GSIM). Le 8 octobre, Soumaïla Cissé a été libéré avec trois otages étrangers en échange de près de 200 individus soupçonnés de terrorisme.
Les observateurs des droits de l’homme ont continué de signaler qu’ils n’étaient pas en mesure de localiser des dizaines de prisonniers soi-disant détenus en lien avec le conflit dans le nord. Ceci pourrait s’expliquer par d’éventuels décès en détention non signalés, des allégations de libérations clandestines et des soupçons de transferts officieux de prisonniers aux services de renseignement du gouvernement, la direction générale de la sécurité de l’État (DGSE). Des capacités limitées pour tenir les dossiers à jour ont compliqué encore davantage la localisation d’individus au sein du système de justice pénale du pays. La pandémie de COVID-19 a aussi constitué un facteur contributif, dans la mesure où de nombreuses organisations se sont vu refuser l’accès, ou n’ont pas été en mesure d’accéder aux prisons pour des raisons de santé et de sécurité. Les organisations de défense des droits de l’homme ont estimé que la DGSE retenait au moins, sans le reconnaître, 60 détenus, mais elles ont fait remarquer qu’elles n’avaient pas accès aux installations de la DGSE. Suite aux activités de plaidoyer de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), au moins deux de ces cas de détention non reconnus ont été confiés au système judiciaire au cours de l’année : l’un concernant un membre de la junte de 2012, Seyba Diarra, et l’autre le représentant de la société civile Clément Dembélé.
c. Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
La Constitution et la loi interdisent la torture et d’autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais il a été signalé que des soldats des FAMa avaient fait usage de ces tactiques contre des individus soupçonnés d’entretenir des liens avec des groupes extrémistes, notamment des groupes affiliés au GSIM (voir la section 1.g.). La DDHP de la MINUSMA a fait état de 56 cas de torture ou de traitement cruel ou inhumain de la part des FDSM au cours des six premiers mois de l’année. D’autres organisations ont fait état de nombreuses accusations de torture. En février, selon des signalements d’Amnesty International et d’autres organisations, la communauté d’un élu de la localité de Kogoni-Peulh, Oumar Diallo, lui a demandé de s’enquérir auprès d’une base de la gendarmerie de Ségou sur le sort de villageois antérieurement arrêtés. Il aurait alors été arrêté et détenu au camp militaire de Diabaly, où il aurait subi des mauvais traitements. Il est ensuite décédé pendant son transfert à Ségou par l’armée. Amnesty International a signalé que les personnes qui l’avaient enterré avaient déclaré : « On a retrouvé sur son cadavre les traces des mauvais traitements qu’il avait subis ». Arrêtés au lendemain des violentes manifestations du 10 au 12 juillet, les dirigeants du mouvement d’opposition, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques du Mali (M5-RFP), ont affirmé avoir été torturés ou maltraités par la gendarmerie au centre de détention du Camp I de la gendarmerie à Bamako. Des enquêtes sur ces accusations des organisations internationales se poursuivaient toujours à la fin de l’année.
Selon le portail en ligne Déontologie en missions de terrain de l’ONU, une affaire était encore en cours concernant des allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles par un soldat de la paix malien déployé au sein de la Mission des Nations unies pour la stabilisation d’Haïti. Cette accusation a été déposée en 2017 et elle aurait impliqué une relation d’exploitation avec deux adultes. En septembre, les Nations unies ont estimé que l’allégation était fondée et elles ont rapatrié l’auteur, mais les pouvoirs publics n’avaient pas dévoilé les éventuelles sanctions prises à son encontre.
L’impunité a constitué un problème significatif au sein des forces de défense et de sécurité, y compris des FAMa, selon des allégations d’Amnesty International, de la DDHP de la MINUSMA et de diverses organisations non gouvernementales (ONG). Le ministère de la Défense aurait ordonné des enquêtes concernant plusieurs des allégations à l’encontre des FAMa, mais les autorités ont fourni peu de précisions sur la portée, l’avancement ou les résultats de ces enquêtes. Le manque de transparence de la procédure d’enquête, le temps nécessaire pour ordonner une enquête et la mener à bien, l’absence de poursuites à l’encontre des forces de sécurité en lien avec les violations des droits de l’homme et la visibilité limitée des quelques affaires portées devant les tribunaux sont autant de facteurs qui ont contribué à l’impunité au sein des forces de défense et de sécurité.
Conditions dans les prisons et les centres de détention
La surpopulation, des conditions sanitaires inadéquates et des soins de santé non adaptés ont contribué à des conditions carcérales dures et délétères.
Conditions matérielles : En juillet, la prison centrale de Bamako, prévue pour 400 prisonniers, en détenait quelque 2 300. Les autres prisons connaissaient des taux de surpeuplement importants. Les détenus étaient séparés par âge (adultes ou mineurs), sexe et par type de délit (terroriste ou pénal). Les conditions de détention étaient meilleures dans les prisons pour femmes de Bamako que dans celles pour hommes.
Aux termes de la loi, les autorités peuvent détenir les personnes interpellées jusqu’à 72 heures dans les postes de police, où il n’y avait pas de cellules de garde à vue séparées pour les femmes et les enfants. Les autorités emprisonnaient les personnes en détention provisoire et les condamnés dans les mêmes locaux. En août, elles détenaient 372 personnes arrêtées pour terrorisme dans le quartier de haute sécurité de la prison centrale de Bamako et à Koulikoro. La situation générale en matière de sécurité, ainsi que la croissance démographique et des tribunaux débordés et inefficaces ont exacerbé des conditions carcérales déjà mauvaises en augmentant le nombre de personnes en détention provisoire et en empêchant la libération de prisonniers ayant purgé leur peine. En fin d’année, la gendarmerie et les centres de détention de la police avaient atteint leur capacité maximum.
La Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée (DNAPES) a rapporté que, en août, 18 prisonniers et détenus au total étaient décédés en détention de crises cardiaques, de traumatismes crâniens et de difficultés respiratoires. La CNDH, entité indépendante recevant un soutien administratif et budgétaire du ministère de la Justice, a attribué ces décès aux conditions carcérales insalubres. De surcroît, il était difficile pour les autorités de maintenir le contrôle des prisons en raison de l’insuffisance des mécanismes de sécurité et d’un manque général de moyens. Le 5 juin, une mutinerie à la prison centrale de Bamako a fait quatre morts parmi les détenus et huit blessés (dont un gardien de prison).
La nourriture dans les prisons était de piètre qualité et fournie en quantité insuffisante, et les infrastructures médicales pénitentiaires étaient inadaptées. Le manque d’hygiène restait la plus grande menace sanitaire pour les prisonniers. Des seaux faisaient office de toilettes. Toutes les prisons n’avaient pas accès à de l’eau potable. L’aération, l’éclairage et la température des centres de détention étaient comparables à ceux de nombreux foyers pauvres des villes.
Administration : Il n’existait pas de médiateurs affectés aux prisons. Toutefois, les autorités autorisaient les prisonniers et les détenus à déposer plainte auprès des autorités judiciaires, soit directement par la CNDH, soit par l’entremise du Bureau du Médiateur de la République, pour demander une enquête en cas d’allégations crédibles de conditions inhumaines. Les détenus ont formulé des plaintes verbales pendant les inspections réalisées par la CNDH au sujet de leurs conditions de détention. La CNDH, chargée de visiter des prisons et d’assurer des conditions carcérales humaines, a effectué des visites auprès de prisonniers de la prison centrale de Bamako et d’autres localités. La loi autorise la CNDH à se rendre dans les prisons sans autorisation préalable des autorités carcérales. Le 12 juillet, elle s’est vu refuser l’entrée au Camp I de la gendarmerie de Bamako, où des leaders du M5-RFP étaient détenus à la suite de la manifestation du 10 juillet et des violences qui s’étaient ensuivies. Les Nations Unies ont déclaré qu’elles avaient finalement été autorisées à avoir accès aux leaders de la manifestation détenus. La CNDH a fréquemment visité des prisons en dehors de Bamako, bien que sa dernière visite dans un centre de détention militaire remonte à 2012, en dépit de multiples demandes ultérieures de visites. L’administration nationale pénitentiaire, une instance publique, était chargée des enquêtes et de la surveillance des conditions dans les prisons et les centres de détention. Les détenus étaient généralement autorisés à pratiquer leur religion et recevoir des visites de manière raisonnable.
Surveillance indépendante : Le gouvernement a permis à des observateurs des droits de l’homme d’effectuer des visites, et des organisations de défense des droits de l’homme l’ont fait. Cependant, les ONG et les autres observateurs devaient déposer une demande auprès du directeur de la prison, qui la transmettait ensuite au ministère de la Justice. L’Association malienne des droits de l’homme a effectué des visites de prisons à Bamako. Des observateurs des droits de l’homme de la MINUSMA et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont effectué des visites régulières dans des centres de détention détenant des éléments de la CMA et de la Plateforme. Pendant l’année, des représentants du CICR ont visité au moins 11 prisons à travers le pays, y compris à Bamako, Koulikoro, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal, et ils ont conclu qu’elles répondaient dans l’ensemble aux besoins essentiels des prisonniers. Le CICR est également venu en aide à la DNAPES pour prévenir la propagation de la COVID-19 en formulant des recommandations et en fournissant du matériel d’hygiène et sanitaire.
Améliorations : Le gouvernement a pris des mesures pour améliorer le niveau de formation du personnel carcéral et le degré de sécurité physique. Le projet de construction d’une nouvelle prison, à Kénioroba, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bamako, se poursuivait, pour un montant de neuf milliards de francs CFA (soit 15,6 millions de dollars des États-Unis). L’établissement était partiellement opérationnel. Si la majeure partie de la structure était achevée, il manquait d’eau, d’électricité, d’ameublement et du matériel nécessaire à son bon fonctionnement. La prison était censée accueillir 2 500 prisonniers et répondre aux normes internationales mais en septembre, quelque 400 détenus s’y trouvaient. Dans le cadre des mesures d’atténuation de la pandémie de COVID-19, au moins 1 400 prisonniers ont été graciés et libérés des établissements carcéraux nationaux en avril.
d. Arrestations ou détentions arbitraires
De manière générale, la Constitution et la loi interdisent les arrestations et les détentions arbitraires. Cependant, les forces de sécurité du gouvernement, la Plateforme, les forces de la CMA et des groupes terroristes armés ont arrêté et détenu de nombreuses personnes en relation avec le conflit en cours dans les régions du nord et du centre du pays (voir la section 1.g.).
La loi permet aux détenus de contester au tribunal le fondement juridique ou la nature arbitraire de leur détention. Ils sont en général relâchés rapidement si leur détention est jugée arbitraire, mais la loi n’accorde pas d’indemnisation ou de recours contre le gouvernement.
Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention
Pour procéder à une arrestation, la loi exige un mandat judiciaire. Elle exige également l’inculpation d’un suspect par la police, faute de quoi il doit être relâché sous 48 heures. Bien que la police ait habituellement obtenu un mandat délivré par un responsable dûment autorisé sur la base de preuves suffisantes, cette procédure n’était pas toujours respectée. La loi dispose que les détenus doivent être transférés du poste de police au bureau du procureur dans les 72 heures qui suivent leur arrestation, mais les détenus ont parfois été retenus plus longtemps aux postes de police. Le manque de ressources nécessaires pour effectuer ces transferts était souvent cité comme un facteur contributif. Les autorités peuvent accorder aux détenus, qui ont un droit limité à la libération sous caution, la liberté conditionnelle, particulièrement pour les délits mineurs et les affaires civiles. Il est arrivé que les autorités remettent des prévenus en liberté sur engagement personnel de leur part.
Les détenus ont le droit de consulter un avocat de leur choix ou un avocat commis d’office par l’État s’ils n’ont pas les moyens d’en payer un. Ils se voient généralement accorder un accès rapide à leur avocat. Cependant, la pénurie d’avocats, surtout en dehors de Bamako et de Mopti, empêchait souvent l’accès à une représentation légale. Au moins un incident s’est produit avec une personnalité de premier plan, Clément Dembélé, qui a été arrêté et ne s’est pas vu accorder rapidement l’accès à un avocat.
Arrestations arbitraires : Les organisations de défense des droits de l’homme ont signalé que les allégations d’arrestations et de détentions arbitraires étaient généralisées. Dans de nombreux cas, des gendarmes ont détenu des suspects sur ordre de la DGSE avant de les transférer pour interrogatoire à celle-ci, qui les détenait en général pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Toutefois, en raison de l’étendue du pays, de la longue durée des trajets, du mauvais état des routes et du manque de personnel et de ressources, le processus de transfert lui-même prenait parfois plus d’une semaine, au cours de laquelle les services de sécurité n’informaient pas les détenus des accusations formulées à leur encontre. Les autorités ne fournissaient pas aux détenus libérés de moyens de transport pour revenir sur les lieux de leur arrestation, et ce trajet prenait souvent plusieurs jours. Ces détentions se produisaient souvent au lendemain d’attaques menées par des bandits ou des terroristes et ciblaient des membres du groupe ethnique soupçonné d’en être responsable.
Selon la MINUSMA, la CMA ayant progressivement remplacé l’État comme autorité de fait dans le nord du pays, elle détenait et graciait également illégalement des personnes détenues au centre de détention de Kidal. La DDHP de la mission a d’ailleurs déclaré que, le 22 mai, à titre de mesure d’atténuation de la COVID-19, le président de la CMA avait gracié 21 personnes dont la DDHP affirmait qu’elles étaient détenues illégalement.
Le 23 juin, l’organisation foulanie Tabital Pulaaku, a dénoncé l’arrestation arbitraire de civils dans le village de Niaouro, situé dans le cercle de Djenné. Les organisations foulanies ont également dénoncé l’arrestation illégale de quelque 20 personnes au village de Néma dans le cercle de Bankass le 5 juillet, à la suite des attaques des villages dogons de Gouari, Diimto, Diallaye et Pangabougou qui ont fait au moins 32 morts civils. Selon l’organisation, ces personnes avaient été arrêtées strictement sur la base de leur origine ethnique. Si bon nombre d’entre elles ont été ultérieurement relâchées, d’autres ont été transférées à Bamako.
Le 18 août, au lendemain du renversement du gouvernement par les militaires, plus d’une dizaine de militaires et d’officiels du gouvernement, y compris le président et le Premier ministre, ont été arrêtés et détenus à la base militaire de Kati. Suite à de multiples interventions et demandes de libération émanant de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la communauté diplomatique et des organisations de défense des droits de l’homme, le président a été libéré le 27 août et assigné à résidence. Suite à son hospitalisation à Bamako, il a été autorisé à quitter le pays le 5 septembre pour se faire soigner. Au moins 13 membres de l’ancien gouvernement, parmi lesquels le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et les membres du commandement militaire, sont restés en détention jusqu’à leur libération sans inculpation le 7 octobre, après la prestation de serment le 25 septembre du président et du vice-président du gouvernement de transition. Tandis que certaines organisations de défense des droits de l’homme n’ont jamais été autorisées à prendre contact avec eux, d’autres ont fait état de retards pour leur accorder finalement l’accès aux prisonniers durant leur détention. L’une de ces organisations a rapporté que certains des détenus se considéraient comme des « otages » et qu’ils avaient déclaré que leur droit à l’information et à recevoir des visites n’était pas respecté.
Selon la presse locale, le 18 août, Boubacar Keïta, fils du président déposé, a également été détenu et, en décembre, il continuait d’être assigné à résidence au domicile familial de son père. Dans une lettre qu’on lui attribue, il se plaignait de ses conditions de vie, faisant remarquer : « Je tiens à vous rappeler que depuis la confiscation [de mes] téléphones, je n’ai pas pu avoir des nouvelles de ma femme, de mes enfants et de la famille en général, que de manière orale, sporadique et seulement à travers un intermédiaire ».
Détention provisoire : Il existe trois catégories d’infractions ou de crimes passibles d’une peine : les contraventions, les délits et les infractions majeures. La loi dispose qu’un procès doit se tenir dans des délais prescrits, qui sont fonction de la peine prévue pour une condamnation pour l’infraction constatée. Pour les contraventions, comme pour les délits mineurs, qui sont passibles d’une peine d’un à dix jours d’emprisonnement ou d’une amende, il n’existe pas de détention provisoire en raison de l’inutilité de prévoir du temps pour mener une enquête. Pour les délits majeurs passibles d’une peine de moins de deux ans d’emprisonnement, la détention est limitée à six mois renouvelables une fois pour une durée totale légale de détention provisoire d’un an. Pour les crimes mineurs passibles de deux à cinq ans de prison ou les crimes graves passibles de peines de cinq ans à la perpétuité (ou la peine de mort), un accusé peut se trouver en détention provisoire pendant un an, renouvelable deux fois, pour une durée totale légale de détention provisoire de trois ans. En dépit de ces restrictions légales, le maintien prolongé en détention provisoire au-delà des limites légales demeurait un problème. L’inefficacité du système judiciaire, associée au grand nombre de détenus, à la corruption et au manque de personnel, contribuait au problème. Certains individus sont parfois restés incarcérés plusieurs années avant leur procès. En septembre, 69 % des détenus se trouvaient en détention provisoire.
Le 28 janvier, la Cour d’appel de Bamako a ordonné la libération du leader du coup d’État de 2012 Amadou Sanogo, initialement arrêté en 2013. Les autorités ont fait valoir, entre autres, comme motif justifiant sa libération, que la durée de sa détention avait dépassé les limites légales de la détention provisoire, même si de nombreuses personnes considéraient que sa libération conditionnelle était motivée par des raisons politiques.
En avril, en raison de la pandémie de COVID-19, des criminels condamnés ont bénéficié d’une libération anticipée afin de limiter la propagation du virus, mais les mêmes mesures n’ont pas été prises pour les personnes en détention provisoire.
e. Déni de procès public et équitable
La Constitution garantit l’indépendance du système judiciaire et le droit à un procès équitable, mais le pouvoir exécutif a continué d’exercer une influence sur l’appareil judiciaire. La corruption et l’insuffisance de moyens ont influencé l’équité des procès. Des groupes maliens de défense des droits de l’homme ont affirmé que les cas de corruption et de trafic d’influence étaient courants dans les tribunaux. L’application des décisions des tribunaux a posé problème. Un employé du secteur judiciaire a remarqué une ingérence de la part de l’armée et l’inexécution des assignations destinées aux militaires, faisant valoir que des membres de la gendarmerie refusaient d’appuyer le pouvoir judiciaire en exécutant les mandats d’arrêt lorsque cela leur était demandé. Les juges étaient parfois absents de leur zone pendant des mois. Les chefs de village et les juges de paix nommés par le gouvernement ont jugé la majorité des différends dans les zones rurales. Les juges de paix étaient responsables des fonctions d’enquête, d’instruction et de poursuites judiciaires. Dans la pratique, ces systèmes traditionnels n’accordaient pas les mêmes droits que les tribunaux civils et pénaux.
Procédures applicables au déroulement des procès
Si la Constitution prévoit le droit à un procès équitable, que le pouvoir judiciaire tentait généralement d’appliquer, les insuffisances en termes de dotation en personnel, d’appui logistique (traducteurs par exemple), d’infrastructure (pas assez de tribunaux) ainsi que d’archives et de systèmes de gestion de dossiers non numérisés, de sécurité, ainsi que la pression politique, entravaient parfois, ou faisaient obstacle à la procédure judiciaire. Les procédures judiciaires étaient souvent retardées et certains prévenus devaient attendre le début de leur procès pendant des années et, dans de nombreux cas, au-delà de la durée limite légale de la détention provisoire avant que leur affaire soit entendue. La loi reconnaît la présomption d’innocence jusqu’à preuve du contraire fournie par un juge. Les prévenus ont le droit de recevoir rapidement des informations détaillées sur les accusations retenues contre eux, avec un service d’interprétation gratuit si nécessaire, depuis la mise en accusation jusqu’à la fin du dernier appel. Sauf dans le cas des mineurs et des affaires familiales délicates où les tribunaux siégeaient à huis-clos pour protéger les intérêts des victimes ou d’autres parties vulnérables, les procès se déroulaient généralement en public.
Les prévenus ont le droit de consulter un avocat de leur choix (ou d’avoir un avocat commis d’office pour les affaires criminelles et celles concernant des mineurs). Si le prévenu est déclaré indigent, un avocat lui est commis d’office par le tribunal qui le dispense également de tous les frais de justice. Les retards administratifs et la pénurie d’avocats, surtout dans les zones rurales, ont souvent empêché un accès rapide des prévenus à un avocat. Les prévenus et leurs avocats ont le droit de disposer de délais et de locaux appropriés pour préparer la défense, de consulter les éléments de preuve détenus par le Parquet, de confronter les témoins à charge et de présenter des témoins et des éléments de preuve à leur décharge. Dans l’ensemble, les pouvoirs publics ont respecté ces droits. Les prévenus ne peuvent pas être contraints de témoigner contre eux-mêmes ou de s’avouer coupables et ils peuvent faire appel des décisions des tribunaux devant la Cour d’appel et la Cour suprême. La loi accorde ces droits à tous les citoyens.
Prisonniers et détenus politiques
Il a été signalé des cas de prisonniers ou de personnes en détention pour des motifs politiques. Par exemple, le 9 mai, les forces de sécurité ont procédé à l’arrestation de Clément Dembélé, président de la Plateforme contre la corruption et le chômage au Mali (PCC), peu après qu’il a diffusé une vidéo en bambara sur les réseaux sociaux appelant à une désobéissance civile de grande ampleur. Le 25 mai, après sa libération, Clément Dembélé a relaté lors d’un entretien avec les médias qu’on l’avait cagoulé avant de le placer en détention. Il a déclaré avoir été aux mains de la DGSE et détenu en compagnie de suspects de terrorisme avant d’être maintenu à l’isolement dans un cachot souterrain. Suite à l’intervention de la CNDH, Clément Dembélé a finalement été présenté au parquet de la commune I de Bamako, qui l’a inculpé pour avoir utilisé la presse aux fins d’inciter à la désobéissance vis-à-vis des forces de sécurité. Le 2 septembre, son affaire a été entendue et le 30 septembre, elle a été classée sans suite par le juge.
Selon la Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée, en août, les pouvoirs publics avaient détenu 372 personnes accusées de terrorisme en relation avec le conflit dans le nord et le centre du pays. Certaines des personnes détenues se sont plaintes d’être des prisonniers politiques. Des individus dont il a été découvert qu’ils luttaient pour l’indépendance ou pour la création d’un État islamique ont été accusés de terrorisme et ont affirmé qu’il s’agissait de détention politique. À la fin de l’année, cependant, rien n’indiquait clairement qu’ils étaient incarcérés pour des raisons politiques ou pour leur opposition au gouvernement. Le gouvernement a en général placé ces prisonniers liés au conflit dans des locaux de plus haute sécurité à l’intérieur des prisons et leur accordait les mêmes protections qu’aux autres détenus. Les organisations internationales humanitaires et de défense des droits de l’homme ont eu accès à la plupart de ces centres, mais pas aux détenus des établissements gérés par la DGSE.
Procédures et recours judiciaires au civil
Les individus et les organisations sont autorisés à former des recours au civil pour violations des droits de l’homme. Ils peuvent interjeter appel auprès de la Cour de justice de la CEDEAO et de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Certains rapports ont signalé que, dans les cas d’esclavage héréditaire, il était parfois difficile d’assurer l’application des décisions des tribunaux civils.
f. Ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance
La Constitution et la loi interdisent l’ingérence illégale dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance et aucun cas de non-respect de ces interdictions par les pouvoirs publics n’a été signalé.
g. Violences et exactions dans les conflits internes
L’armée, des forces anciennement séparatistes composées notamment du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), les milices du nord du pays soutenues par le gouvernement, notamment la coalition du Mouvement pour le salut de l’Azawad et du Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (MSA-GATIA), ainsi que des organisations terroristes et extrémistes, comme l’État islamique au Grand Sahara (EI-GS), le GSIM, le Front de libération du Macina et Al-Mourabitoun, ont commis de graves exactions et violations des droits de l’homme dans les régions du nord et du centre du pays. La plupart des violations des droits de l’homme commises par l’armée ont paru cibler des Foulanis, des Touaregs et des Arabes ; elles se seraient produites soit en représailles pour des attaques attribuées à des groupes armés associés à ces groupes ethniques, soit sous l’effet de l’augmentation des opérations antiterroristes.
Le gouvernement et les troupes françaises ont visé les organisations terroristes, notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique, Ansar Dine, le FLM, Al-Mourabitoun, le GSIM et l’EI-GS, qui n’étaient pas parties aux pourparlers de paix ou à l’Accord qui en a résulté. Ces organisations terroristes ont souvent maintenu des liens avec des groupes armés participant au processus de paix.
Toutefois, le gouvernement n’a pas poursuivi l’examen des violations des droits de l’homme commises dans le nord largement contrôlé par la CMA, ni mené d’enquêtes à ce sujet. En dépit de l’assistance internationale fournie eu égard aux enquêtes sur des affaires de violations des droits de l’homme dans le centre, rien ne prouve que des poursuites judiciaires y aient été entamées. Les organisations de défense des droits de l’homme faisaient valoir que l’insuffisance de ressources, l’insécurité et une absence de volonté politique constituaient les plus importants obstacles auxquels se heurtait la lutte contre l’impunité.
Exécutions : L’armée, les anciens groupes rebelles, les milices du nord dont les intérêts s’apparentaient à ceux du gouvernement et les organisations terroristes ont commis des exécutions dans l’ensemble du pays, mais tout particulièrement dans le centre et (dans une moindre mesure) le nord. La DDHP a rapporté que plus de 700 civils avaient été tués au cours des six premiers mois de l’année. Elle a déclaré que du 1er janvier au 31 mars, 82 % des décès de civils en lien avec les conflits s’étaient produits dans les régions de Mopti et de Ségou. Le rapport remarquait des tendances du même type entre le 1er avril et le 30 juin.
Le groupe ethnique des Foulanis des régions de Mopti et de Ségou, dans le centre du pays, a fait état d’exactions commises par les forces de sécurité gouvernementales. Selon la première note trimestrielle de la DDHP, le 16 février, un total de 19 personnes soupçonnées d’activités terroristes auraient été arrêtées par les soldats des FAMa dans le cercle de Niono, dans la région de Ségou. Elle signalait en outre que 13 des suspects avaient été exécutés et que six avaient été victimes de disparitions forcées. En août, la gendarmerie menait une enquête au sujet de ces exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées, et le ministère de la Défense ordonnait des poursuites militaires à l’encontre des membres du détachement, y compris le lieutenant qui le commandait.
Selon la MINUSMA, le 5 juin, un convoi militaire composé d’environ 30 véhicules est entré au village de Binedama dans la région de Mopti, prétendument accompagné d’un groupe de chasseurs traditionnels (les Dozo), dont les soldats ont ouvert le feu sans discernement sur les villageois, faisant 37 morts (y compris trois femmes et enfants). La note de la DDHP de la MINUSMA faisait valoir que trois victimes au moins avaient été brûlées vives dans leurs maisons incendiées par les agresseurs ; des greniers ont été également mis à feu au cours de cette attaque.
La note trimestrielle de la DDHP pour la période d’avril à juin affirmait qu’entre les 3 et 6 juin, les FAMa avaient tué ou exécuté sommairement au moins 61 personnes à l’occasion de trois attaques distinctes dans les villages de Yangassadiou, Binedama et Massabougou, situés dans le centre du pays. Dans certains cas (en l’occurrence lors les raids de Yangassadiou et Binedama mais pas Massabougou), les FAMa auraient été accompagnées de chasseurs traditionnels dozos. Concernant l’attaque de Massabougou, le rapport déclarait que « le 6 juin, vers 11 heures du matin, des éléments des FAMa transportés dans plusieurs véhicules militaires ont lancé une attaque sur le village de Massabougou (commune de Dogofry, cercle de Niono), au cours de laquelle ils ont fouillé des maisons et arrêté neuf villageois qu’ils ont exécutés sommairement à proximité du cimetière du village. Selon des sources dignes de foi, cette agression a été le fait d’éléments des FAMa envoyés en patrouille, suite à l’attaque à main armée d’un poste militaire dans le village de Sarakala (situé à 30 km au nord-est de Ségou) par des éléments armés non identifiés vers trois heures du matin le même jour. » La gendarmerie a mené une enquête au sujet des accusations concernant Massabougou et le ministère de la Défense a ordonné à un procureur militaire de Mopti d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre du détachement, y compris le commandant de celui-ci.
Des groupes terroristes et des individus ou groupes non identifiés ont perpétré de nombreuses attaques qui ont causé la mort de membres des forces de sécurité et de membres de groupes armés signataires, de soldats de la paix et de civils. Par exemple, le 13 octobre, le GSIM a attaqué un avant-poste des FAMa dans la commune de Soukoura dans la région centrale de Mopti, qui a fait neuf morts parmi les soldats ; peu après, il a tué au moins deux soldats de plus qui avaient été envoyés en renfort sur place. Le 15 octobre, un soldat de la paix a été tué et plusieurs autres blessés lorsque le convoi qui les transportait a percuté un engin explosif improvisé près de Kidal. Amnesty International a signalé que le 1er juillet, des individus armés non identifiés se déplaçant dans un convoi composé au moins de 60 motos et véhicules armés, ont tué des dirigeants communautaires, de la société civile et religieux pendant qu’ils attaquaient les villages de Panga Dougou, Djimdo, Gouari et Dialakanda dans les communes de Tori et Diallassagou, dans le cercle de Bankass, région de Mopti. Ils ont attaqué tout d’abord Panga Dougou, tuant au moins une personne, avant de poursuivre vers Djimdo, où ils ont exécuté sommairement 15 personnes de plus, puis ont continué vers Gouari, où ils ont tué au moins 16 personnes et en ont blessé quatre autres. Les assaillants auraient également volé du bétail et des motos ; l’insécurité empêchait les agriculteurs de cultiver leurs champs.
Des violences intercommunautaires liées aux différends concernant la transhumance (migration saisonnière) et le pâturage du bétail se sont produites entre Dogons, Bambaras et Foulanis dans la région de Mopti, entre Bambaras et Foulanis dans la région de Ségou et entre différents groupes touaregs et arabes dans les régions de Gao, de Tombouctou et de Kidal (voir la section 6).
Plusieurs organisations internationales et de défense des droits de l’homme se sont dites préoccupées par l’augmentation de la violence intercommunautaire dans la région de Mopti, principalement entre les Foulanis, éleveurs pastoraux, et les Dogons, éleveurs agricoles. Selon la DDHP, les violences intercommunautaires ont causé la mort de plus de 350 civils sous l’effet des 98 différentes attaques perpétrées dans les six premiers mois de l’année. Ces informations ont également révélé que les groupes d’autodéfense foulanis étaient responsables de 81 attaques qui ont fait plus de 250 morts parmi les Dogons, tandis que les groupes d’autodéfense dogons et dozos avaient commis 17 attaques qui ont fait presque 100 morts parmi les Foulanis.
Le 14 février, plus de 35 villageois ont été exécutés sommairement dans le village d’Ogossagou par les membres d’une milice ethnique. Selon les signalements, cette agression s’est produite quelques heures après que les militaires maliens ont quitté brusquement leur poste à proximité sans être relevés par d’autres. Ce poste militaire avait été établi à la suite d’une attaque lancée contre le même village en mars 2019, qui avait entraîné la mort de plus de 150 villageois. Selon plusieurs rapports, pendant de nombreuses heures précédant cette agression, des habitants du village avaient alerté l’armée, la MINUSMA et les autorités locales qu’ils craignaient une attaque imminente. Cette-ci a seulement pris fin après que les troupes maliennes et celles de la MINUSMA sont finalement revenues au village. Une mission d’information sur les droits de l’homme de la MINUSMA a conclu que des hommes armés issus de la communauté dogon avaient planifié, organisé et mené l’attaque, qui a fait au moins 35 morts, trois blessés et 19 disparus parmi les villageois foulanis. Selon des informations de Human Rights Watch, le gouvernement a annoncé que des mesures disciplinaires seraient prises en riposte à ce qu’il qualifiait « d’erreur tactique », en attendant qu’une enquête soit menée. Le chef d’état major des armées, Kéba Sangaré, a été démis de ses fonctions à la suite de l’attaque. Il est toutefois resté dans l’armée et a été ultérieurement nommé gouverneur. La MINUSMA a aussi annoncé le lancement d’une enquête au sujet de cette attaque, qui s’était produite une heure seulement après le passage de soldats de la paix dans le village. Deux personnes ont été arrêtées et détenues, et des mandats d’arrêt ont aussi été émis à l’encontre des trois autres individus liés à l’attaque du 14 février. Parmi les 10 suspects arrêtés suite à l’attaque de mars 2019 contre le même village, sept demeuraient en détention tandis que les trois autres avaient été libérés faute de preuves. Cette affaire, qui faisait l’objet d’une enquête confiée au Pôle judiciaire spécialisé, qui a compétence pour la criminalité terroriste et transnationale, se poursuivait à la fin de l’année.
En juin et juillet, il a été plusieurs fois fait état d’accords de paix entre les communautés foulani et dogon dans plusieurs parties du cercle de Koro, dans la région de Mopti, ce qui a permis aux derniers de cultiver leurs champs et aux premiers de se rendre dans les marchés locaux. Les pouvoirs publics n’auraient pas pris part aux négociations ayant débouché sur ces accords de paix ; des contacts locaux ont signalé qu’ils avaient plutôt été négociés par des leaders communautaires, parfois avec une assistance de la part d’ONG. La rumeur a couru que des organisations extrémistes violentes auraient apporté leur aide pour négocier certains accords.
Enlèvements : Des groupes djihadistes, la CMA, alliance composée du MNLA, du HCUA et du MAA, et des milices de la Plateforme comme le GATIA, auraient détenu des otages.
La missionnaire catholique colombienne Cecilia Narvaez Argoti, capturée en février 2017 à Koutiala, dans le sud du pays, était toujours en captivité aux mains de groupes terroristes. Le 8 octobre, le gouvernement de transition a annoncé la libération de l’humanitaire française Sophie Pétronin, avec le leader de l’opposition politique Soumaïla Cissé et les Italiens Pierluigi Maccalli et Nicola Chiacchio dans le cadre d’un échange de prisonniers. Le 25 mars, Soumaïla Cissé avait été capturé alors qu’il faisait campagne pour les élections législatives dans la région de Tombouctou, prétendument par le FLM, une organisation affiliée au GSIM. Selon la déclaration le 13 mars d’un porte-parole de l’ONU, la Canadienne Édith Blais et l’Italien Luca Tacchetto, enlevés au Burkina Faso en 2018, ont réussi à échapper à leurs ravisseurs terroristes.
Sévices, sanctions et torture : Des ONG de défense des droits de l’homme ont rapporté plusieurs cas de sévices, de torture et de sanctions, en lien avec le conflit, perpétrés par les forces maliennes de défense et de sécurité, des groupes armés, des groupes d’autodéfense ethniques et des organisations terroristes.
Enfants soldats : Pour la première fois depuis 2014, le Rapport annuel du Secrétaire-général sur les enfants et les conflits armés de l’ONU a accusé les FAMa de recruter et d’employer des enfants comme domestiques. En octobre, tous les enfants identifiés comme ayant été recrutés et employés par les FAMa avaient été libérés.
La CMA et des groupes armés de la Plateforme, parmi lesquels le GATIA, auraient recruté et employé des enfants soldats en tant que combattants et non combattants.
Les Nations Unies ont documenté le recrutement et l’emploi d’enfants âgés de neuf à 17 ans par des groupes armés, dont certains recevaient un soutien du gouvernement et collaboraient avec lui, et dans certains cas, par les forces maliennes de défense et de sécurité. D’après deux rapports du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité couvrant les cinq premiers mois de l’année, les Nations Unies ont documenté 164 cas de recrutement et d’emploi d’enfants soldats, dont 127 recrutés par des groupes armés signataires dans le nord, 21 par les forces maliennes de défense et de sécurité, 14 par la katiba Macina à Ségou et Mopti, ainsi que deux par le groupe Dan Na Ambassagou à Mopti. Selon ces rapports, bon nombre des enfants, y compris tous ceux identifiés comme ayant été recrutés et utilisés par les FAMa, ont pu rejoindre leur famille après l’intervention de l’ONU. La DDHP a également rapporté qu’elle recueillait des informations au sujet de l’exploitation des enfants dans les mines d’or sous le contrôle de la CMA à Kidal et que, dans le cadre de l’opération Tagaste qui visait à renforcer la sécurité à Kidal, des enfants étaient utilisés pour gérer les points de contrôle. D’autres organisations ont signalé le recrutement et l’emploi d’enfants soldats, y compris la Direction nationale de la promotion de l’enfant et de la famille, qui a rapporté qu’au 6 octobre, elle avait identifié 70 cas de ce type pendant l’année, parmi les 290 identifiés depuis 2013.
En juin, les Nations Unies ont également publié leur Rapport annuel […] sur les enfants et les conflits armés pour la période de janvier à décembre 2019, période durant laquelle elles ont établi le recrutement et l’emploi de 215 enfants (189 garçons et 26 filles) âgés de neuf à 17 ans par des groupes armés pour la plupart, mais aussi par les forces maliennes de défense et de sécurité, pour la première fois depuis 2014. Pour 140 de ces cas, les enfants avaient été recrutés et exploités les années antérieures. Les Nations Unies ont déterminé que la CMA, le MNLA, le MAA, le HCUA et les membres de la plateforme, y compris de la GATIA, faisaient partie des groupes armés responsables. Les forces maliennes de défense et de sécurité auraient recruté et employé 24 enfants issus de la région de Gao pour assurer des rôles d’appui, en tant que messagers et domestiques ; en novembre 2019, ces 24 enfants ont été confiés à leur famille ou a une organisation internationale pour être pris en charge.
Les autorités n’ont pas fait état d’enquêtes, de poursuites ou de condamnations de fonctionnaires corrompus et complices, ou de trafiquants, liées à des infractions concernant les enfants soldats pendant l’année.
Veuillez également consulter le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report/.
Autres violations liées aux conflits : Les FDSM, les soldats de la paix, les forces internationales et les organisations humanitaires internationales ont subi des attaques. Des attaques mortelles ont ciblé des forces locales, françaises et internationales dans les régions du centre et du nord du pays, qui ont fait des dizaines, voire des centaines de morts parmi les soldats du pays (les pouvoirs publics ne fournissent pas de données globales sur les morts dans les rangs des FDSM) ainsi que les forces du maintien de la paix et les forces internationales. Par exemple, parmi les nombreuses autres attaques perpétrées le 19 mars, au total, 30 soldats ont été tués et 20 blessés lors d’une attaque à Gao et le 6 avril, 25 soldats de plus ont été tués et douze blessés durant une autre attaque à Gao. Le 10 mai, trois soldats de la paix tchadiens ont été tués et quatre autres blessés lors de l’explosion d’un engin explosif improvisé à Aguelhoc, dans le nord du pays. En septembre, dans la région septentrionale de Tessalit, deux soldats français associés à l’opération Barkhane de la France ont été tués et un blessé quand leur véhicule blindé a heurté un engin explosif improvisé. Les Nations Unies ont aussi signalé une hausse du nombre des attaques contre des soldats de la paix et des humanitaires dans le nord. Plusieurs organisations non gouvernementales auraient suspendu leurs opérations dans plusieurs régions du pays à titre régulier, en raison de l’insécurité.
Au 30 novembre, la MINUSMA déplorait au moins 231 morts depuis le début de sa mission en 2013. Selon elle, en octobre, les autorités n’avaient pas jugé d’affaire en lien avec les décès de soldats du maintien de la paix.
Section 2. Respect des libertés civiles, notamment :
a. Liberté d’expression, notamment pour la presse
La Constitution garantit la liberté d’expression et la liberté de la presse, mais le gouvernement a parfois limité ces droits.
Liberté de la presse et des médias, y compris les médias en ligne : Les médias indépendants étaient actifs et ont exprimé une grande variété d’opinions, avec quelques restrictions. En général, l’accès de la population aux stations de radio et journaux privés était satisfaisant. En juillet, lorsque des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues, la couverture des médias d’État était minimale mais les médias privés ont largement couvert ces événements. Le 18 décembre, le gouvernement de transition a déclaré un état d’urgence en raison de la pandémie de la COVID-19. Selon un courrier adressé par le ministère de l’Administration territoriale aux autorités régionales et locales, l’état d’urgence accordait aux autorités le pouvoir de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour contrôler la presse, les réseaux sociaux et les publications de toute nature, y compris les émissions télévisées et radiophoniques (voir également la section 1.e., Prisonniers et détenus politiques).
Des considérations financières altéraient également la couverture médiatique. La plupart des médias disposaient en effet de ressources limitées. Les salaires des journalistes étaient extrêmement bas et de nombreux médias ne pouvaient pas se permettre de payer leurs frais de transport pour participer à des manifestations médiatiques. Les journalistes réclamaient donc souvent aux organisateurs de ces manifestations le paiement de leurs frais de transport, et les termes « frais de déplacement » et « indemnité » étaient des euphémismes pour désigner un système de couverture médiatique moyennant paiement, les organisations mieux financées recevant souvent une couverture médiatique plus favorable.
Violence et harcèlement : L’environnement dans lequel évoluaient les médias à Bamako et dans le reste du sud du pays était relativement ouvert, même si quelques cas de censure et de menaces contre des journalistes ont été signalés. Selon Reporters sans frontières, un journaliste travaillant pour le quotidien L’Indépendant a été brièvement arrêté après avoir couvert la pandémie de COVID-19 dans le pays. Couvrir les évènements dans le nord du pays demeurait dangereux compte tenu de la présence active de groupes armés. Les journalistes peinaient à obtenir des informations sur l’armée jugées sensibles par le gouvernement et, souvent, à se rendre dans des localités du nord du pays en raison de l’insécurité.
Censure ou restrictions sur le contenu : La Haute Autorité des communications, l’entité nationale de règlementation des médias, est la seule habilitée à prendre des décisions judiciaires concernant des contenus médiatiques.
Lois sur la diffamation et la calomnie : La législation prévoit des amendes et des peines de prison en cas de condamnation pour diffamation. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, Keïta Aminata Maïga a déposé plainte contre deux journalistes d’Ouverture Média qui l’accusaient d’avoir embarqué sur un vol en partance de France pour le Mali alors qu’elle « était infectée par la COVID-19 ». Le 30 septembre, les deux accusés ont été condamnés pour diffamation. Ils ont dû s’acquitter d’amendes importantes et se sont vu ordonner de verser des dommages-intérêts à Madame Maïga à hauteur de six millions de francs CFA (10 400 dollars des États-Unis).
Sûreté nationale : La loi criminalise les infractions telles que l’atteinte à la sûreté de l’État, l’atteinte au moral des forces armées, l’outrage au chef de l’État, les propos séditieux et l’intelligence avec l’ennemi. Fin décembre, cinq personnalités ont été arrêtées pour des soupçons de conspiration aux fins de déstabiliser le gouvernement de transition. Le 31 décembre, le parquet a annoncé que six personnes faisaient l’objet d’une enquête pour « complot contre le gouvernement » et « offense à la personne du chef de l’État ». Selon le parquet, parmi les accusés, l’on comptait les cinq individus initialement arrêtés, parmi lesquels un célèbre animateur radio, ainsi que Boubou Cissé, ex-Premier ministre de l’ancien président Keïta, dont on ignorait où il se trouvait.
Liberté d’accès à internet
Pendant les manifestations du mois de juillet, les pouvoirs publics ont limité et coupé l’accès à internet sur l’ensemble du territoire national. Dans sa note trimestrielle de novembre portant sur les violations des droits de l’homme commises durant ces manifestations, la DDHP de la MINUSMA a fait remarquer que plusieurs plateformes de réseaux sociaux, y compris Twitter, Facebook et Instagram, sans oublier les applications de messagerie Messenger et WhatsApp, ont été rendues inaccessibles sur les réseaux Orange et Malitel pendant les manifestations. L’ONG de défense de la liberté d’accès à internet NetBlocks a également dénoncé que, lors des manifestations contre le gouvernement, entre les 10 et 15 juillet, les communications par les réseaux sociaux et les messageries instantanées subissaient des restrictions. L’Association malienne des professionnels de la presse en ligne a condamné ces perturbations.
Il n’existait pas d’informations crédibles laissant entendre que le gouvernement surveillait les communications privées en ligne sans autorisation judiciaire appropriée.
Liberté d’enseignement et manifestations culturelles
Il n’a été signalé aucune restriction apparentée à de la censure de la part des pouvoirs publics à l’égard de la liberté de l’enseignement ou des manifestations culturelles. Toutefois, les mesures d’atténuation de la COVID-19 imposées par le gouvernement dans certains cas ont limité les manifestations culturelles et éducatives. Des artistes et des étudiants ont manifesté leur inquiétude au sujet des possibles effets à long terme de ces mesures.
b. Libertés de réunion et d’association pacifiques
Liberté de réunion pacifique
La Constitution et la loi prévoient la liberté de réunion mais le gouvernement n’a pas toujours respecté cette liberté. De juin à août, les manifestants contre le gouvernement ont organisé plusieurs manifestations pour exiger une plus grande transparence au sein du gouvernement ainsi que la démission du président d’alors, Ibrahim Boubacar Keïta, après que la Cour constitutionnelle a annoncé les résultats définitifs des élections législatives, qui invalidaient les résultats provisoires du scrutin pour au moins 30 sièges. Selon plusieurs signalements, les forces de sécurité de l’État ont été déployées pour disperser les manifestants et, dans certains cas, repousser les pilleurs. Plusieurs organes des médias, organisations de défense des droits de l’homme ainsi que la DDHP de la MINUSMA ont dénoncé l’emploi de balles réelles et de gaz lacrymogènes par les forces de sécurité et les ont accusées d’employer une force excessive et létale (voir la section 1.a.).
En association avec les manifestations et les appels à la désobéissance civile, plusieurs dirigeants du M5-RFP ont été arrêtés et placés en garde à vue au Camp I de la gendarmerie pendant 48 heures au moins. La DDHP de la MINUSMA a dénoncé, pendant les manifestations du 10 au 13 juillet, l’arrestation et le placement en garde à vue de 200 personnes au moins, au Camp I de la gendarmerie et dans plusieurs commissariats de police de Bamako. Des manifestations organisées à Kayes ont aussi débouché sur des arrestations. Si beaucoup de manifestants ont été arrêtés, les documents judiciaires indiquaient que 21 seulement avaient fait l’objet de poursuites judiciaires. Les manifestants arrêtés et poursuivis en justice ont été inculpés de trouble à l’ordre public et d’incitation à la violence. Deux d’entre eux ont été jugés non coupables tandis que les 19 autres ont été condamnés à des peines d’emprisonnement de 45 jours à 12 mois. Ils ont été libérés en septembre sur décision de la cour d’appel.
En mars, le gouvernement a imposé des restrictions aux rassemblements publics dans le cadre de la réponse à la pandémie de COVID-19.
Liberté d’association
La Constitution garantit la liberté d’association, bien que la loi interdise les associations jugées immorales. Le gouvernement a généralement respecté la liberté d’association, sauf pour les membres de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et intersexe (LGBTI). Il n’existait pas d’organisations LGBTI connues au Mali, même si certaines ONG disposaient de programmes médicaux et de soutien visant spécifiquement les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.
c. Liberté de religion
Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la liberté de religion dans le monde à l’adresse suivante : https://www.state.gov/international-religious-freedom-reports/.
d. Liberté de mouvement et de circulation
La Constitution et la loi autorisent la liberté de circulation à l’intérieur du pays, les déplacements à l’étranger, l’émigration et le rapatriement, et les pouvoirs publics ont généralement respecté ces droits.
Déplacements à l’intérieur du pays : Bien que la circulation à l’intérieur du pays ne soit pas formellement restreinte, l’armée et certaines milices ont mis en place des barrages routiers, soi disant pour garantir la sécurité. L’instabilité du contexte sécuritaire, les inondations, le mauvais état des axes routiers et le ciblage délibéré des infrastructures telles que des ponts par les groupes armés ont aussi contribué à limiter la liberté de circulation. Les habitants de Gao, Kidal et Tombouctou et de certaines zones de Mopti craignaient de quitter les villes pour des raisons de sécurité, notamment la menace que représentent les engins explosifs improvisés (voir la section 1.g.). La MINUSMA et les ONG se sont plaintes de rencontrer souvent des difficultés pour conduire des patrouilles ou effectuer des missions humanitaires à cause des barrages inopinés mis en place par différentes milices et groupes armés tels que le groupe Dan Na Ambassagou et la CMA.
Les policiers ont couramment interpellé des citoyens et des étrangers afin de limiter les activités de contrebande et vérifier l’immatriculation des véhicules. Davantage de barrages routiers de la police ont été installés à l’entrée et à l’intérieur de Bamako après l’augmentation du nombre des attentats terroristes dans l’ensemble du pays.
Déplacements à l’étranger : Sous l’effet des mesures d’atténuation de la COVID-19, le 17 mars, le gouvernement a promulgué un décret de fermeture de l’ensemble de l’espace aérien et des frontières terrestres. Les 25 et 31 juillet, cette interdiction a été levée pour l’espace aérien et les frontières terrestres, respectivement. Le 26 mars, les pouvoirs publics ont imposé un couvre-feu qui a été levé le 9 mai.
Le 19 août, au lendemain du renversement du gouvernement par les militaires, le Comité national pour le Salut du Peuple (CNSP) a fermé les aéroports et imposé un couvre-feu. Le 21 août, le CNSP a rouvert l’aéroport et les frontières, mais les frontières aériennes et terrestres du pays avec les pays voisins de la CEDEAO sont restées fermées jusqu’au 6 octobre, sous l’effet des sanctions imposées par la CEDEAO en réaction au renversement du gouvernement. Le 6 septembre, le CNSP a levé le couvre-feu.
e. Statut et traitement des déplacés internes
Les conditions de sécurité dans le nord et le centre du pays, y compris les fréquentes violences intercommunautaires, ont contraint de nombreuses personnes à fuir leur maison, au point de chercher parfois à se réfugier à l’extérieur du pays. Qui plus est, l’insécurité régionale, particulièrement au Niger et au Burkina Faso voisins, ont également entraîné le retour au pays de réfugiés maliens et l’arrivée de réfugiés nigériens et burkinabés. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a recensé au 31 octobre 287 496 déplacés internes au Mali et 143 301 réfugiés maliens dans les pays voisins (Burkina Faso, Niger et Mauritanie) au 30 septembre. Quelque 100 000 déplacés internes ont été recensés au cours des 12 mois antérieurs, et environ 40 % de tous les déplacés internes l’ont été dans la région de Mopti. L’insécurité en lien avec le terrorisme et le banditisme est demeurée problématique dans la majorité du pays. La violence intercommunautaire et les conflits ethniques dans la région centrale du pays ont continué de susciter l’inquiétude en termes d’insécurité et de déplacements. Selon les estimations du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), les enfants représentaient 58 % des déplacés internes dans le pays.
Le ministère de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté a enregistré les PDIP et le gouvernement leur a prêté assistance. Les PDIP logeaient généralement avec des proches ou des amis, ou vivaient dans des logements locatifs. Elles vivaient pour la plupart en zone urbaine et avaient accès à des aliments, de l’eau et d’autres formes d’assistance. Jusqu’à la moitié de l’ensemble des familles déplacées ne disposaient pas des documents d’identité officiels nécessaires pour un accès plus facile aux services publics, notamment les établissements scolaires, bien que ces documents ne soient pas obligatoires pour obtenir une aide humanitaire. Des groupes d’assistance ont fourni une aide humanitaire aux déplacés internes vivant dans l’ensemble du pays, dans la mesure où ils parvenaient à accéder à eux.
f. Protection des réfugiés
Les pouvoirs publics ont dans l’ensemble coopéré avec le HCR et d’autres organisations humanitaires pour fournir une aide humanitaire, y compris certains services de protection, aux déplacés internes, aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et à d’autres personnes relevant de sa compétence. Le non-respect de l’Accord de paix d’Alger et des restrictions en matière de sécurité ont eu une incidence sur l’acheminement de l’aide humanitaire.
Droit d’asile : La législation prévoit l’octroi de l’asile et du statut de réfugié et le gouvernement a mis en place un système visant à assurer la protection des réfugiés. Un comité national chargé des réfugiés travaillait avec l’aide du HCR. Quelque 15 000 réfugiés enregistrés dans le pays étaient d’origine afro-mauritanienne.
Protection temporaire : L’Office public de la migration internationale est responsable de la protection temporaire des personnes qui ne peuvent pas prétendre au statut de réfugié. La Commission nationale chargée des réfugiés étudie les demandes d’asile et de statut de réfugié et apporte une protection temporaire aux personnes qui attendent une décision concernant l’obtention de l’asile.
Section 3. Liberté de participer au processus politique
La Constitution et la loi donnent aux citoyens la capacité de choisir leur gouvernement par la voie d’élections périodiques libres et équitables, à bulletin secret, au suffrage universel et égal, et les citoyens ont exercé ce droit, bien qu’avec certaines difficultés.
Élections et participation au processus politique
Élections récentes : Initialement prévues pour octobre 2018 et reportées à plusieurs reprises, les élections législatives se sont tenues avec presque 18 mois de retard. Le 19 avril, le deuxième tour des élections a eu lieu. La campagne électorale a été fortement affectée par les conditions en matière de sécurité dans les régions du nord et du centre du pays. La limitation de la liberté de circulation, des difficultés logistiques, des accusations d’intimidation des électeurs et de manipulation des élections, ainsi que des ressources financières limitées ont empêché de nombreux candidats de l’opposition de faire campagne dans l’essentiel des régions du centre et du nord du pays. Le 25 mars, un leader de l’opposition, Soumaïla Cissé, a été capturé, par le FLM (une organisation affiliée au GSIM) selon certaines informations, alors qu’il faisait campagne pour les élections législatives dans la région de Tombouctou. Il a été libéré le 8 octobre.
Selon la MINUSMA, près de 5 000 observateurs électoraux déployés sur l’ensemble du territoire ont signalé des incidents de restriction du droit de vote et d’intimidation, de destruction de matériel électoral et d’enlèvements dans les régions du centre et du nord du pays. La pandémie de COVID-19, l’insécurité et les allégations de manipulations des élections et d’intimidation ont entraîné une faible participation des électeurs (35 % au premier tour et 36 % au second selon l’ONU) et la contestation des résultats. Le 30 avril, la Cour constitutionnelle a modifié les résultats provisoires pour 30 sièges, qui avaient été annoncés par le ministère de l’Administration territoriale, chargé de veiller au bon déroulement des élections. Les résultats définitifs ont été largement contestés dans l’ensemble du pays, et ils ont déclenché une crise politique et parfois de violentes manifestations entre juin et août, faisant descendre dans la rue des dizaines de milliers de manifestants qui exigeaient la démission du président, la dissolution de l’Assemblée nationale et la démission des membres de la Cour constitutionnelle (voir aussi la section 1.a.).
Après une mutinerie militaire le 18 août au matin, qui a entraîné l’arrestation de plusieurs membres du gouvernement et de l’armée, le président d’alors, Ibrahim Boubacar Keïta, a été arrêté le même soir. Peu après minuit le 19 août, M. Keïta a prononcé une courte allocution télévisée pour présenter sa démission et prononcer la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale. Plus tard, le 19 août au matin, les leaders de la mutinerie ont annoncé la formation du CNSP, une junte militaire. La CEDEAO a promptement pris des sanctions à l’encontre du Mali, exigeant initialement le retour immédiat de l’ordre constitutionnel, pour finalement accepter un gouvernement civil de transition pendant 18 mois. Le 24 septembre, un ancien ministre de la Défense, le colonel-major à la retraite Bah N’Daw, a prêté serment en tant que président d’un gouvernement de transition, et le président du CNSP, le colonel Assimi Goïta, a prêté serment comme vice-président du gouvernement de transition. Le 27 septembre, il a nommé l’ancien ministre des Affaires étrangères (de 2007 à 2009), Moctar Ouane, Premier ministre au sein du gouvernement de transition. Le 1er octobre, la charte de la transition a été publiée ; toutefois, elle n’éclaircit pas précisément quelle serait la ligne de succession en cas d’incapacité de gouverner du président (voir la section 1.d., Arrestations arbitraires).
Participation des femmes et des membres de minorités : Il n’existe pas de lois limitant la participation des femmes et des membres de minorités au processus politique, et ceux-ci y ont participé activement. Des facteurs culturels ou religieux, toutefois, limitaient parfois la participation politique des femmes à des fonctions formelles et informelles à cause de la perception qu’il était tabou ou inconvenant que des femmes remplissent de tels rôles. Une loi de 2015 exige qu’au moins 30 % des places sur les listes électorales des partis soient réservées aux femmes et que 30 % des hautes fonctions du gouvernement soient occupées par des femmes. Elle a été pleinement appliquée avec le premier gouvernement du deuxième mandat du président Keïta, qui comptait 11 femmes sur 32 ministres. Toutefois, au sein du second cabinet formé en avril 2019, huit des 38 ministres étaient des femmes. Quatre des 25 ministres du gouvernement de transition étaient des femmes.
La conformité à la loi établissant un seuil minimum pour la participation de candidates femmes a été presque atteinte lors des élections législatives de mars et avril, avec 41 sièges sur les 147 de l’Assemblée nationale remportés par des femmes, soit 28 % de l’Assemblée nationale. Ceci représentait une augmentation par rapport à l’Assemblée nationale antérieure, au sein de laquelle 14 sièges étaient détenus par des femmes. L’Assemblée nationale a fini par être dissoute par l’ancien président Keïta, suite au renversement de son gouvernement le 18 août, à sa démission et à la dissolution du gouvernement le 19 août.
Avant sa dissolution le 19 août, l’Assemblée nationale comprenait au moins huit membres issus de minorités ethniques nomades et pastorales historiquement marginalisées et représentant les régions orientales et septentrionales de Gao, Tombouctou et Kidal. Le cabinet de l’ancien Premier ministre Boubou Cissé comprenait un membre des minorités ethniques nomades.
Trois Touaregs de l’Assemblée nationale dissoute, élus lors des élections d’avril et mai, faisaient partie de groupes armés du nord, notamment un député de Gao représentant le MAA, un autre de Kidal issu du HCUA, ainsi qu’un dernier issu d’Assongo représentant la CMA. Un membre du groupe d’autodéfense dogon, Dan Na Ambassagou, a également été élu dans le cercle de Koro.
Section 4. Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement
La loi prévoit des sanctions pénales pour la corruption dans la fonction publique, mais elle n’a pas été appliquée avec rigueur et les fonctionnaires s’y sont livrés fréquemment en toute impunité. Il a été fait état de nombreux cas de corruption au sein du gouvernement.
Corruption : La corruption était courante dans tous les secteurs de l’administration. Les autorités ne tenaient pas les policiers responsables de leurs actes de corruption. Des responsables publics, policiers et gendarmes ont fréquemment sollicité des pots-de-vin.
En 2019 et en juillet, le vérificateur général du Mali a publié des rapports sur le gaspillage, la fraude et les abus au sein du gouvernement et des institutions publiques. Les ambassades du Mali à Abidjan, au Caire et à Addis-Abeba ont fait l’objet d’enquêtes concernant des irrégularités financières à hauteur de 1,16 milliards de francs CFA (2,01 millions de dollars des États-Unis), 2,6 milliards de francs CFA (4,51 millions de dollars É.-U.) et 15,6 millions de francs CFA (27 000 dollars É.-U.), respectivement. Ces irrégularités auraient été en lien avec des manipulations des taux de change, des obligations de fonds non autorisées et des profits indus accordés à certains employés de ces ambassades. En octobre, cette affaire était toujours en cours. En octobre 2019, l’ancien maire de Bamako a été poursuivi, condamné et emprisonné pour des accusations corruption en rapport avec un contrat remontant à 2010 concernant l’électrification de Bamako, évalué à 1,4 milliards de francs CFA (2,4 millions de dollars des États-Unis). Le 22 mai, il a été libéré sous caution.
Déclaration de situation financière : La Constitution exige du président, du Premier ministre et des membres du gouvernement qu’ils présentent chaque année à la Cour suprême un relevé financier et une déclaration écrite de leur patrimoine. La Cour des comptes, instance de la Cour suprême, est responsable du suivi et de la vérification des déclarations de situation financière. Il n’existe pas de sanctions en cas de non-respect. La Cour des comptes exige de tout fonctionnaire qu’il établisse une déclaration de l’ensemble de ses actifs et passifs financiers au début et à la fin de son mandat, avec mises à jour annuelles tout au long de celui-ci. Ces divulgations ne s’appliquent cependant pas aux conjoints ni aux enfants. L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite au Mali (OCLEI), organe public responsable de recevoir les déclarations de situation financière, était toujours opérationnel et il a rapporté que quelque 1 500 responsables publics avaient soumis leur déclaration depuis que l’OCLEI a été chargé de recevoir ces déclarations. Bien que la Constitution exige que ces documents soient rendus publics, cela n’a généralement pas été le cas. Tandis que la charte de la transition n’exige pas spécifiquement la divulgation des déclarations, il va de soi que la Constitution continue à s’appliquer lorsqu’elle n’est pas en contradiction avec la charte de la transition.
Section 5. Attitude du gouvernement face aux enquêtes internationales et non gouvernementales sur les violations présumées des droits de l’homme
Plusieurs groupes nationaux et internationaux de défense des droits de l’homme ont généralement fonctionné sans restriction gouvernementale ; ils ont mené leurs enquêtes et publié leurs conclusions sur des affaires relatives aux droits de l’homme. D’après des organisations de défense des droits de l’homme, les responsables gouvernementaux et militaires n’ont généralement pas été jugés transparents, coopératifs ou suffisamment réactifs aux appels pour que soient menées des enquêtes et poursuivies les allégations d’atteintes aux droits de l’homme par les FDSM.
Organismes publics de défense des droits de l’homme : La CNDH est une institution indépendante recevant un soutien administratif et budgétaire du ministère de la Justice. Le gouvernement a continué de lui fournir des locaux et du personnel. L’adoption de la loi de 2016 relative à la CNDH et son application ont permis à la CNDH de progresser dans l’accomplissement de son mandat. La CNDH a gagné en efficacité et en autonomie. Le ministère de la Justice a délégué à l’organisation davantage de contrôle de son budget et elle comptait de nombreux membres, y compris des représentants de la société civile. Avec un financement et des capacités accrus, la CNDH a émis des déclarations concernant plusieurs cas d’atteintes aux droits de l’homme, notamment le deuxième massacre à Ogossagou et les exécutions de militants antiesclavagistes à Diandioume.
Le ministère de la Défense a mis en place au moins trois commissions d’enquête pendant l’année concernant les allégations de disparitions forcées perpétrées par l’armée à Yangassadiou, Binedama et Massabougou dans les régions de Mopti et de Ségou. Ces commissions ont communiqué des rapports sous scellé au ministère de la Défense, qui ont entraîné l’ouverture d’enquêtes judiciaires pour deux affaires au moins ; il a été estimé que la troisième allégation n’était pas digne de foi. Selon la MINUSMA, des mandats judiciaires ont été signés pour des éléments de l’armée soupçonnés d’implication dans des crimes graves commis dans la région centrale ; toutefois, en décembre, aucun mandat d’arrêt n’avait été émis à l’encontre des suspects. À la fin de l’année, les enquêtes sur plusieurs affaires antérieures étaient toujours en cours.
En décembre 2019, la Commission vérité, justice et réconciliation, créée pour recevoir des preuves, tenir des audiences et recommander des mesures de justice transitionnelle pour les crimes et les violations des droits de l’homme commis lors de la crise de 2012, a tenu sa première audience publique, au cours de laquelle 13 victimes du conflit ont raconté les mauvais traitements qu’elles avaient subis. Cette commission a été établie en 2014 et dotée d’un mandat de trois ans, qui a été prorogé jusqu’à 2021. Au 18 décembre, la commission avait entendu les témoignages de 19 198 personnes.
Section 6. Discrimination, abus sociétaux et traite des personnes
Femmes
Viol et violences familiales : La loi criminalise le viol des femmes et des hommes, qu’elle rend passible d’une peine allant de cinq à 20 ans d’emprisonnement ; cependant, le gouvernement n’a pas fait appliquer la loi avec efficacité. Le viol représentait un problème courant. Seul un faible pourcentage d’affaires de viol a conduit à des poursuites judiciaires par les autorités car les victimes ne signalaient que rarement les viols en raison de la pression sociale qu’elles subissaient, surtout parce que leurs agresseurs étaient souvent des proches et par crainte des représailles. Il n’existe pas de loi interdisant de façon explicite le viol conjugal, mais des responsables des forces de l’ordre ont déclaré que les lois pénales portant sur le viol pouvaient s’appliquer également au viol conjugal. La police et les autorités judiciaires étaient disposées à traiter les affaires de viol, mais elles étaient également prêtes à abandonner les poursuites si les parties concluaient un accord en privé avant le procès. Ceci encourageait un environnement au sein duquel les victimes étaient susceptibles de subir des pressions de la famille pour accepter des « compensations » financières pour le crime commis à leur encontre plutôt que de chercher à ce que justice soir rendue par l’intermédiaire du système judiciaire. Plusieurs condamnations pour viol et violences familiales ont été prononcées au cours d’une session prolongée de la Cour d’assises qui avait commencé en août. La cour a condamné un prévenu pour pédophilie ; il a reçu une peine de trois ans de prison. Deux suspects condamnés respectivement pour viol et pédophilie se sont chacun vu attribuer des peines de cinq années de prison, notamment un ressortissant guinéen condamné pour viol sur mineur. Le 30 septembre, un individu jugé coupable de meurtre et tentative de viol a été condamné à mort.
Les violences familiales à l’encontre des femmes, dont les violences conjugales, étaient courantes au Mali. Une étude réalisée en 2012 et 2013 sur les questions de genre a révélé qu’une vaste majorité de femmes dans le pays subissaient des violences conjugales et que 76 % des femmes croyaient acceptable qu’un homme batte son épouse pour avoir brûlé le repas, pour des disputes, pour être sortie sans l’avoir prévenu, pour négliger les enfants ou refuser d’avoir des rapports sexuels ; l’Enquête démographique et de santé 2018 au Mali a conclu que 79 % des femmes et 47 % des hommes pensaient encore que ce type de comportement était justifié. La même enquête a révélé que 49 % des femmes subissaient des violences conjugales (émotionnelles, physiques ou sexuelles), que 43 % des femmes âgées de 15 à 49 ans subissaient des violences physiques et qu’une femme sur huit (soit 13 %) était victimes de violences sexuelles. Parmi les femmes qui subissaient des violences familiales, 68 % ne cherchaient pas à se faire aider et n’en parlaient à personne.
La violence conjugale est un délit, mais la loi n’interdit pas spécifiquement les violences familiales. Selon des organisations de défense des droits de l’homme, les cas n’ont pour la plupart pas été signalés en raison de tabous culturels et d’un manque de connaissance des recours juridiques. En cas de condamnation, une agression est passible d’une peine d’un à cinq ans de prison et de lourdes amendes. Cette peine peut se voir augmentée à 10 ans d’emprisonnement s’il est prouvé que l’agression était préméditée. Toutefois, la police s’est souvent montrée réticente à intervenir dans les affaires de violences familiales. De plus, beaucoup de femmes hésitaient à porter plainte contre leur mari parce qu’elles ne pouvaient pas se prendre en charge financièrement, ou pour échapper à la stigmatisation sociale, à des représailles ou à l’ostracisme. La cellule nationale de la planification et des statistiques du ministère de la Justice, chargée du suivi des poursuites judiciaires, ne produisait pas de statistiques fiables.
Le 21 septembre, après le dépôt d’une plainte par sa compagne, le chanteur en vogue Sidiki Diabaté a été arrêté par la brigade d’investigation judiciaire de Bamako suite à des allégations de violences conjugales et de séquestration. Une vive campagne de dénonciation de l’artiste dans les médias a entraîné l’annulation de ses concerts. Le 24 septembre, il a été formellement inculpé puis emprisonné. Le 26 septembre, la Plateforme de lutte contre la violence basée sur le genre a organisé une manifestation de soutien aux victimes de violences sexistes. Le 2 octobre, des partisans de l’artiste ont annoncé l’organisation d’une manifestation en son honneur mais elle a été annulée. Les médias locaux ont rapporté que Sidiki Diabaté avait été provisoirement libéré sous caution le 29 décembre. Il attendait d’être jugé à la fin de l’année.
Selon la MINUSMA, des groupes extrémistes étaient aussi responsables d’actes d’intimidation et de menaces à l’égard des femmes, leur enjoignant de faire preuve de « pudeur » en leur imposant de porter le voile dans les régions de Tombouctou et de Mopti. En effet, dans les environs de Dianke près de Tombouctou, plusieurs femmes ne portant pas de voile auraient fait l’objet de menaces tandis qu’à Binedama, dans la région de Mopti, elles étaient toutes forcées de le porter. Les Nations Unies ont également fait état d’une augmentation des violences sexuelles en lien avec les conflits, qui étaient imputables à des éléments extrémistes armés et à des groupes armés signataires de l’Accord dans les régions du nord et du centre du pays.
Dans le rapport en date du 20 mars du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité sur la situation dans le pays, la MINUSMA documentait au moins huit cas de violences sexuelles liées au conflit. En effet, « Il s’agissait notamment du mariage forcé de quatre filles par des éléments extrémistes présumés dans la région de Tombouctou, du viol présumé de deux femmes par des membres du Mouvement pour le salut de l’Azawad à Ménaka, du viol collectif d’une fille imputé à des éléments de la Coordination des mouvements de l’Azawad et du Front patriotique de résistance à Gao, et de l’agression sexuelle d’une fillette de cinq ans perpétrée par un élément des forces armées nationales à Gao. »
Selon la MINUSMA, suite à l’organisation d’un atelier le 21 janvier pour débattre du rôle du Haut conseil islamique dans la lutte contre les violences sexuelles en lien avec les conflits, le président de ce conseil a signé une déclaration dans laquelle il prenait l’engagement de faire obstacle aux violences sexistes, notamment en publiant une fatwa pour dénoncer les violences sexuelles liées aux conflits.
Mutilations génitales féminines/excision (MGF/E) : Au Mali, les MGF/E sont légales et, à l’exception de certaines régions du nord, très courantes dans l’ensemble des groupes ethniques et religieux, surtout dans les zones rurales. Quoique légale, cette pratique était interdite par les autorités dans les centres médicaux financés par des fonds publics.
En général, les parents faisaient pratiquer les MGF/E sur les fillettes âgées de six mois à neuf ans. Selon l’Enquête démographique et de santé 2018 au Mali, 89 % des femmes âgées de 15 à 49 ans étaient excisées, mais ce pourcentage était variable en fonction des zones géographiques, avec des taux allant de deux pour cent à Gao à 95 % à Koulikoro et Sikasso. Environ 76 % des excisions étaient pratiquées sur des filles de moins de cinq ans et elles étaient presque toujours effectuées par un tradi-praticien (dans 99 % des cas). Toujours selon cette enquête, quelque 70 % des hommes et 69 % des femmes étaient convaincus que l’excision était prescrite par la religion et les trois quarts de la population, tous genres confondus, pensaient que cette pratique devait se poursuivre. Des campagnes de sensibilisation sur les dangers des MGF/E ont été mises en place par le gouvernement dans l’ensemble du pays lorsque les conditions de sécurité le permettaient, et des organisations de défense des droits de l’homme ont signalé une baisse de l’incidence de la pratique chez les enfants de parents éduqués.
Harcèlement sexuel : La loi n’interdit pas le harcèlement sexuel et il s’est produit couramment, notamment dans les établissements d’enseignement, sans aucun effort de prévention de la part des autorités.
Pressions en matière de contrôle démographique : Il n’a pas été fait état d’avortements ou de stérilisations forcés de la part des autorités gouvernementales.
Discrimination : La loi ne prévoit pas l’égalité entre les hommes et les femmes sur le plan de leur statut juridique et de leurs droits, particulièrement en matière de divorce ou d’héritage. Légalement, les femmes doivent obéir à leur mari et sont particulièrement vulnérables dans les affaires de divorce, de garde des enfants et d’héritage. Il existait des restrictions légales vis-à-vis des femmes employées dans la même fonction, effectuant les mêmes tâches et travaillant dans les mêmes secteurs que les hommes. Elles disposaient d’un accès très limité aux services juridiques compte tenu de leur manque d’éducation et d’information, et du coût prohibitif de ces services. En dépit de la nature discriminatoire de la loi, les pouvoirs publics ont veillé efficacement à son application.
Bien que la loi prévoie l’égalité des droits en matière de propriété, les pratiques traditionnelles et l’ignorance de la loi ont empêché les femmes de bénéficier entièrement de ces dispositions. Le contrat de mariage doit préciser si le couple souhaite partager les droits à l’héritage. En outre, si le type de mariage n’est pas précisé sur le certificat de mariage d’un couple musulman, les juges supposent qu’il s’agit d’un mariage polygynique.
Le ministère de la Promotion de la femme, de l’Enfant et de la Famille est chargé de garantir les droits juridiques des femmes.
Enfants
Selon des estimations de 2019, plus de la moitié de la population est âgée de moins de 18 ans. En juin, les Nations Unies estimaient que 2,42 millions d’enfants avaient besoin d’aide humanitaire. Selon les données de l’UNICEF concernant les enfants, les attaques répétées ont provoqué des morts, des blessures par balles et des brûlures, des déplacements et séparations de familles, l’exposition à des violences, parmi lesquelles le viol et d’autres formes de violence sexuelle, des arrestations et des détentions, ainsi que des traumatismes psychologiques. Il était estimé que des centaines d’enfants étaient recrutés par des groupes armés chaque année.
Enregistrement des naissances : La citoyenneté malienne s’obtient soit par la filiation, soit par la naissance sur le territoire national. La loi exige que la naissance d’un nouveau-né soit déclarée dans les 30 jours. Une amende peut être imposée pour tout enregistrement se produisant après le délai de 30 jours. Les filles avaient moins de chances d’être enregistrées à leur naissance.
Le gouvernement n’a pas enregistré systématiquement toutes les naissances, surtout en milieu rural. Certaines organisations ont indiqué qu’il n’y avait pas assez de bureaux d’enregistrement pour répondre aux besoins de tous les villages, ce qui a contribué aux faibles taux d’enregistrement dans certaines zones. Selon un rapport de l’UNICEF de décembre 2019, 13 % des enfants âgés de moins de cinq ans n’étaient pas déclarés à l’état civil, tandis que 22 % de ceux qui l’étaient ne se voyaient pas attribuer d’acte de naissance. L’absence ou l’inaccessibilité des services, le manque de registres d’état civil et l’ignorance des parents quant à l’importance de l’acte de naissance faisaient partie des difficultés entravant l’enregistrement des naissances. Selon l’UNICEF, le gouvernement avait enregistré près de 90 % des naissances en 2019. Le gouvernement a mené un recensement administratif en 2014 afin de recueillir des données biométriques et affecter à chaque citoyen un numéro d’identification unique. Ce processus a permis d’inscrire à l’état civil des enfants qui ne l’avaient pas été à la naissance, même si le nombre de nouveaux actes de naissance délivrés n’était pas connu. Plusieurs ONG locales ont travaillé en collaboration avec des partenaires étrangers pour procéder à l’enregistrement des enfants à la naissance et en expliquer l’intérêt aux parents, car il est essentiel pour accéder à l’instruction et aux services publics. L’enregistrement des naissances a par ailleurs joué un rôle essentiel dans la protection des enfants, facilitant également leur libération et réinsertion en cas de recrutement par un groupe armé ou d’incarcération.
Éducation : La Constitution assure la gratuité de l’éducation pour tous et la loi prévoit la scolarité obligatoire des enfants de six à quinze ans. Cependant, bon nombre d’entre eux n’étaient pas scolarisés. Les parents devaient souvent payer les frais de scolarité de leurs enfants et leur acheter uniformes et fournitures scolaires. Parmi les autres facteurs influant sur la scolarisation figuraient notamment les distances à parcourir pour aller à l’école la plus proche, l’absence de transports, le manque d’enseignants, une longue grève des enseignants de décembre 2019 au 13 septembre, ainsi que l’absence de matériel pédagogique et de cantines scolaires. Le taux de scolarisation des filles était inférieur à celui des garçons à tous les niveaux en raison de la pauvreté, des préférences culturelles pour l’éducation des garçons, et du mariage précoce et du harcèlement sexuel des filles. D’après le rapport 2018 de l’Indice de développement humain du Mali, les deux tiers des femmes de 15 à 49 ans n’avaient aucune instruction, contre 53 % des hommes de la même tranche d’âge, et seulement 28 % des femmes étaient alphabétisées, contre 47 % des hommes.
Le 19 mars, en réaction à la pandémie de COVID-19, le gouvernement a annoncé la fermeture des établissements scolaires. La situation étant aggravée à cause d’une grève des enseignants en même temps, les écoles sont restées de fait fermées jusqu’au 13 septembre, date à laquelle une accord salarial a été conclu entre le syndicat des enseignants et le CNSP (qui était l’autorité de facto après le renversement du gouvernement). En décembre, les établissements scolaires ont à nouveau fermé pour tenter d’endiguer une deuxième vague de cas de COVID-19. Il était estimé que presque 3,8 millions d’écoliers du pays avaient été touchés par la fermeture des écoles pendant l’année.
En juin, les Nations Unies ont rapporté que le conflit avait entraîné la fermeture de 1 261 établissements scolaires au moins, dans les régions de Gao, Kidal, Tombouctou, Mopti et Ségou depuis le début de l’année. Bon nombre d’écoles ont été endommagées ou détruites car les rebelles les utilisaient parfois comme bases d’opérations. Les Nations Unies ont aussi fait remarquer que les forces de sécurité gouvernementales utilisaient parfois l’enceinte des écoles comme bases. La MINUSMA a signalé que pendant la première moitié de l’année, au moins sept écoles avaient été attaquées ou prises pour cible. Les groupes djihadistes menaçaient souvent les enseignants et leurs communautés de fermer des établissements qui ne proposaient pas uniquement un enseignement religieux. La fermeture de plus de 1 261 écoles pendant l’année en raison du conflit représentant une augmentation par rapport aux quelque 900 établissements fermés durant l’année scolaire 2018-2019 et une hausse de 200 % par rapport à l’année scolaire 2017-2018. La majorité des écoles fermées de trouvaient dans la région de Mopti.
Maltraitance d’enfants : Il n’existait pas de statistiques publiques complètes sur la maltraitance d’enfants, mais le problème était très répandu. La plupart des cas de maltraitance n’étaient pas signalés. Selon les notes trimestrielles de la DDHP de la MINUSMA portant sur les six premiers mois de l’année, 39 enfants ont été tués, soit moins d’un quart du nombre signalé pendant la même période en 2019. L’ONU a documenté 402 cas de graves atteintes (définies comme étant le recrutement ou l’emploi d’enfants comme soldats, le meurtre et la mutilation d’enfants, le viol ou d’autres graves violences sexuelles, l’enlèvement, l’attaque d’écoles et d’hôpitaux, ou le refus de laisser des enfants obtenir de l’aide humanitaire) à l’encontre de 254 enfants entre janvier et juin. La police et les services sociaux du ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire ont effectué des enquêtes et sont intervenus dans certains cas signalés de maltraitance ou de négligence d’enfants ; l’État, en revanche, a fourni peu de services pour les enfants victimes de ce type de situation (voir également la section 1.g., Enfants soldats).
Mariage précoce et mariage forcé : L’âge minimum du mariage sans consentement parental est de 16 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons. Une fille de 15 ans peut se marier avec le consentement de ses parents sur approbation d’un juge civil. Cependant, les autorités n’ont pas appliqué la loi dans les faits, surtout dans les zones rurales, et le mariage des enfants, précoce et forcé, posait problème dans l’ensemble du pays. Des filles étaient également prises pour « épouses » par des combattants et meneurs de groupes armés. Selon les données 2017 de l’UNICEF, 54 % des femmes étaient déjà mariées à 18 ans, et 16 % l’étaient avant l’âge de 15 ans.
Dans certaines régions du pays, en particulier Kayes et Koulikoro, des filles parfois seulement âgées de 10 ans se mariaient. Il était courant qu’une fille de 14 ans épouse un homme deux fois plus âgé qu’elle. Selon les organisations locales de défense des droits de l’homme, les autorités ont fréquemment accepté de faux actes de naissance ou d’autres documents falsifiés faisant valoir que des filles de moins de 15 ans avaient l’âge requis pour se marier. Des ONG ont mis en œuvre des campagnes de sensibilisation axées sur la réduction du nombre des mariages d’enfants.
Exploitation sexuelle des enfants : La loi interdit l’exploitation sexuelle des enfants, y compris à des fins commerciales. Les coupables d’exploitation sexuelle tant d’enfants que d’adultes s’exposent à des peines allant de six mois à trois ans de prison et à une lourde amende. Les trafiquants d’enfants reconnus coupables sont passibles de peines de cinq à 20 ans d’emprisonnement. Les sanctions pour attentat à la pudeur, y compris la pédopornographie, s’élèvent également de cinq à 20 ans de prison. Le pays dispose d’une loi sur les abus sexuels sur mineur qui fixe l’âge minimum pour les rapports sexuels consentis à 18 ans, mais comme elle n’était pas harmonisée avec celle sur l’âge minimum légal du mariage des filles, qui est de 15 ans, elle n’était pas appliquée. Des cas d’exploitation sexuelle d’enfants se sont produits.
Infanticide ou infanticide d’enfants porteurs de handicap : Certaines personnes prostituées et des travailleurs domestiques pratiquaient l’infanticide, surtout en raison d’un manque d’accès à la contraception et de connaissances à ce sujet.
Enfants déplacés : L’UNICEF a rapporté qu’en mars, 79 enfants non accompagnés et séparés de leurs proches avaient bénéficié d’une prise en charge provisoire et de services de protection depuis le début de l’année. Selon l’OCHA, les enfants représentaient jusqu’à 58 % des déplacés internes au Mali.
Enlèvements internationaux d’enfants : Le pays n’est pas partie à la Convention de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Veuillez consulter le rapport du département d’État intitulé Annual Report on International Parental Child Abduction (Rapport annuel sur les enlèvements parentaux internationaux d’enfants) à l’adresse suivante : https://travel.state.gov/content/travel/en/International-Parental-Child-Abduction/for-providers/legal-reports-and-data/reported-cases.html.
Antisémitisme
La population juive comptait moins de 50 membres, et aucun acte antisémite n’a été signalé.
Traite des personnes
Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report.
Personnes en situation de handicap
La Constitution et la loi ne protègent pas spécifiquement les droits des personnes en situation de handicap physique, sensoriel, intellectuel ou mental en matière d’accès à l’emploi, à l’éducation, aux transports, notamment aériens, aux soins de santé, au système judiciaire ou à d’autres services publics. Il n’existe pas de loi exigeant l’accessibilité des édifices publics. Bien que les personnes en situation de handicap aient accès aux soins de santé élémentaires, leur protection ne constituait pas une priorité pour les pouvoirs publics. Bon nombre d’entre elles en étaient réduites à la mendicité.
Les personnes en situation de handicap mental étaient confrontées à une stigmatisation sociale et à l’isolement dans les institutions publiques. Si un juge d’instruction pensait qu’un suspect dans une affaire pénale était porteur de handicap mental, il le référait à un médecin pour procéder à une évaluation de ses capacités mentales. Sur les recommandations du médecin, qui manquait parfois de formation en psychologie, le tribunal pouvait ensuite soit transférer le suspect dans un hôpital psychiatrique à Bamako, soit mener le procès.
Le ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire est chargé de protéger les droits des personnes en situation de handicap. Il a ainsi parrainé des activités destinées à promouvoir les opportunités de génération de revenus pour les personnes en situation de handicap et a travaillé avec des ONG qui fournissent des services de base, telles que la Fédération malienne des associations de personnes handicapées. Bien qu’elles soient placées sous la responsabilité des pouvoirs publics, les huit écoles pour malentendants du pays ne recevaient quasiment aucun soutien ou ressources de leur part.
Membres de minorités nationales/raciales/ethniques
La discrimination sociale envers les Touaregs noirs, souvent appelés « Bellas », s’est poursuivie. Certains groupes touaregs privaient les Touaregs noirs de leurs libertés civiles fondamentales aux motifs de pratiques d’esclavage héréditaire et de relations de servitude héréditaire.
Des enlèvements par leurs « maîtres » d’enfants issus de leurs esclaves bellas ont continué d’être dénoncés. Ces maîtres d’esclaves considéraient ces derniers ainsi que leurs enfants comme des biens leur appartenant et auraient emporté ces enfants d’esclaves pour les élever ailleurs sans la permission de leurs parents. L’organisation de lutte contre l’esclavage Temedt a organisé des ateliers dans l’ensemble du pays pour tenter de convaincre les communautés d’abandonner la pratique de l’esclavage. Plus de 2 000 familles qui avaient été déplacées en 2019 parce qu’elles refusaient de se soumettre à ces pratiques esclavagistes se trouvaient toujours loin de chez elles et ne pouvaient toujours pas cultiver de terres ni accéder aux prestations sociales dans les zones de Diéma, Nioro du Sahel et Yélimané, dans la région de Kayes. De plus, en dépit de négociations du gouvernement qui avaient permis le retour de 213 familles à Kérouané dans la région de Kayes, les villageois empêchaient ces familles de satisfaire leurs besoins fondamentaux.
En septembre, des organisations de défense des droits de l’homme ont rapporté que quatre personnes à Diandioume, dans le cercle de Nioro du Sahel, avait été ligotées, battues et noyées parce qu’elles refusaient d’accepter l’esclavage héréditaire. Au moins 95 de leurs proches ont fui ou ont été déplacés. La CNDH ainsi que d’autres organisations de défense des droits de l’homme ont condamné cette situation et appelé le gouvernement à prendre des mesures. Par la suite, au moins 30 personnes auraient été arrêtées.
Les violences intercommunautaires ont entraîné des affrontements fréquents entre des membres des groupes ethniques foulani ou peul et, indépendamment de cela, entre des membres des communautés bambara et dogon, motivés par des accusations de soutien aux islamistes armés liés à Al-Qaïda. Selon Human Rights Watch, ces tensions ont engendré des « groupes d’autodéfense » ethniques, poussé des milliers de personnes à fuir, nui aux moyens de subsistance et entraîné un problème de faim généralisé. De tels groupes représentant ces communautés auraient participé à plusieurs attaques de nature communautaire et les agressions en représailles étaient fréquentes.
Dans le centre du pays, les violences intercommunautaires se sont intensifiées. Des affrontement entre les communautés dogon et foulani ont été exacerbés par la présence de groupes extrémistes et ont fait beaucoup de morts parmi les civils (voir la section 1.g., Exécutions extrajudiciaires).
Autre exemple, le 1er juillet, pendant plusieurs heures, des hommes armés non identifiés ont attaqué les villages dogons de Panga Dougou, Djimdo, Gouari et Dialakanda, dans le cercle de Bankass (région de Mopti), tuant au moins 32 civils, en blessant plusieurs autres et incendiant et pillant de nombreuses habitations.
Actes de violence, discrimination et autres abus basés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre
La loi interdit toute association « à des fins immorales ». Toutefois, des éléments ponctuels de preuve semblaient indiquer une hausse des actes ciblant les personnes LGBTI, dont la pleine protection demeurait problématique. En janvier, apparemment en réaction à des allégations de comportement sexuel inapproprié, 15 jeunes hommes ont été arrêtés lors d’un événement social. Vraisemblablement visés à cause de leur orientation sexuelle perçue, ils ont été accusés d’indécence, de traite des personnes, de corruption de mineurs et de viol. Suite à leur arrestation, des dispensaires où certains d’entre eux se rendaient pour recevoir des soins médicaux pour le VIH ont été saccagés et provisoirement fermés. Selon les observateurs, ces dispensaires ont été ciblés à cause de leur travail au service des principales populations vulnérables au VIH. Il était difficile d’obtenir des informations concernant le déroulement précis des événements et la façon dont les jeunes hommes avaient été traités alors qu’ils étaient en garde à vue. Selon les pouvoirs publics, ce groupe vulnérable aurait été détenu aux fins d’en protéger les membres. En décembre, trois des 15 jeunes hommes demeuraient toujours en détention provisoire en attendant la conclusion de l’enquête en cours.
Aucune loi n’interdit spécifiquement la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Des ONG ont signalé que des personnes LGBTI avaient été victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles, considérées comme des punitions « correctives » aux yeux de la société. En majorité, les actes de violence ont été commis par des proches, des voisins et des groupes de passants dans les espaces publics. La police a souvent refusé d’intervenir. Pour la plupart, les personnes LGBTI vivaient isolées et gardaient secrète leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Une ONG a signalé que les personnes LGBTI abandonnaient souvent leurs études, démissionnaient et s’interdisaient d’obtenir des soins médicaux pour protéger leur identité sexuelle et éviter la stigmatisation sociale.
Stigmatisation sociale liée au VIH et au sida
Il y a eu une discrimination sociétale contre les personnes vivant avec le VIH et au sida. Être séropositif était souvent localement perçu synonyme d’appartenance à la communauté LGBTI. Le gouvernement a mis en œuvre des campagnes pour sensibiliser davantage à cette situation et faire baisser la discrimination à l’encontre des personnes atteintes du VIH et du sida.
Autres formes de violence ou de discrimination sociétale
La discrimination à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme s’est poursuivie. Certains chefs religieux traditionnels ont perpétué la croyance répandue selon laquelle elles possédaient des pouvoirs spéciaux qu’il était possible d’obtenir en leur apportant le sang ou la tête d’une personne atteinte d’albinisme. Par exemple, en octobre 2019, une femme albinos enceinte a été assassinée à Kita par un groupe d’individus, y compris son mari, sur les ordres d’un chef spirituel traditionnel. Deux des assaillants ont été arrêtés. En décembre, le mari de la victime était toujours en état d’arrestation et l’affaire était toujours en suspens. Le chanteur-compositeur et militant pour la cause des albinos, Salif Keïta, a indiqué que les hommes divorçaient souvent de leur épouse si celle-ci donnait naissance à un enfant atteint d’albinisme. L’albinisme continuait d’être méconnu, ce qui contribuait au manque d’accès aux crèmes de protection solaire des personnes atteintes d’albinisme, sans lesquelles elles sont particulièrement vulnérables au cancer de la peau. Salif Keïta a fondé la Salif Keïta Global Foundation en 2006, qui a continué d’offrir des soins de santé gratuits aux personnes atteintes d’albinisme, de faire du plaidoyer pour leur protection et de dispenser des programmes d’éducation pour contribuer à mettre un terme aux mauvais traitements qu’elles subissent.
Le 3 octobre, l’Association malienne pour la protection des albinos a organisé une conférence de presse à Bamako pour exiger que les autorités appliquent le Plan d’action régional 2017-2021 à l’égard de l’albinisme en Afrique. Tandis que ce plan entend promouvoir les droits des albinos au Mali et dans le reste de l’Afrique, l’Association soutenait que depuis son adoption, les autorités peinaient à le mettre en œuvre.
Section 7. Droits des travailleurs
a. Liberté d’association et droit à la négociation collective
Les travailleurs, à l’exception des membres des forces armées, ont le droit de former des syndicats indépendants et d’y adhérer, le droit à la négociation collective et le droit de grève. Ces droits sont soumis à certaines restrictions. La loi dispose que les travailleurs doivent être employés dans la même profession avant de pouvoir former un syndicat. Un travailleur ne peut rester membre d’un syndicat que pendant un an après avoir quitté la fonction ou la profession liée à ce syndicat. Les membres responsables de la gestion d’un syndicat doivent être résidents maliens et ne pas avoir été reconnus coupables de crimes qui pourraient les empêcher de voter aux élections nationales. Le processus est long et complexe, et le gouvernement peut rejeter la demande d’enregistrement d’un syndicat pour des motifs arbitraires ou ambigus.
Seul le ministre du Travail et de la Fonction publique a le pouvoir de décider si un syndicat peut servir de représentant lors de la négociation collective au niveau sectoriel et d’approuver les accords en la matière. Toute négociation avec les syndicats est à la discrétion de l’employeur, qui est en droit de refuser. La loi permet tous les types de grève et interdit les représailles envers les grévistes. Une grève n’est légale que si les syndicats ont épuisé toutes les possibilités de conciliation et d’arbitrage obligatoires prévues dans le Code du travail. La réglementation exige des fonctionnaires et employés des entreprises publiques qu’ils déposent un préavis de grève de deux semaines avant toute action prévue et ouvrent une médiation et des négociations avec leur employeur et une tierce partie, généralement le ministère du Travail et de la Fonction publique. La loi ne permet pas aux travailleurs des « services essentiels » de faire grève, et le ministre du Travail est autorisé à ordonner un arbitrage contraignant les concernant. La loi définit « services essentiels » comme ceux dont l’interruption pourrait mettre en danger les vies, la sécurité personnelle ou la santé des citoyens ou avoir une incidence sur le fonctionnement normal de l’économie nationale ou sur un secteur industriel vital. Par exemple, la loi exige que les forces de police en grève assurent une présence minimale au siège et sur la voie publique. Cependant, le gouvernement n’a pas établi une liste des services essentiels. Toute participation à une grève illégale est passible de sanctions sévères, dont le licenciement et la déchéance d’autres droits, sauf les salaires et les congés. Les fonctionnaires ont exercé leur droit de grève. Au cours de l’année, les enseignants se sont mis en grève pour réclamer des hausses de salaires, tandis que les professionnels de santé à Bamako et Kayes réclamaient plus de moyens et d’équipements de protection personnelle pour pouvoir répondre à la pandémie de COVID-19.
La loi interdit la discrimination antisyndicale et garantit la réintégration des travailleurs licenciés pour activités syndicales. Le gouvernement n’a pas fait effectivement appliquer les lois en question. Les peines encourues pour infractions aux dispositions sur l’interdiction de la discrimination antisyndicale étaient à la mesure des sanctions prévues pour des infractions comparables. Le ministère du Travail et de la Fonction publique ne disposait pas de moyens suffisants pour effectuer des inspections ou mettre en place une médiation. Les procédures administratives et judiciaires étaient soumises à de longs retards et appels.
Les autorités n’ont pas systématiquement respecté la liberté d’association et le droit à la négociation collective, bien que les travailleurs aient généralement pu exercer leurs droits. Le gouvernement n’a pas toujours respecté le droit des syndicats de mener leurs activités sans ingérence.
Les syndicats et les organisations de travailleurs étaient indépendants du gouvernement et des partis politiques, mais étroitement alignés sur divers partis ou coalitions politiques. Certaines conventions collectives n’avaient pas été renégociées depuis 1956.
b. Interdiction du travail forcé ou obligatoire
La loi interdit toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. Des cas de travail forcé se sont produits. La loi interdit l’utilisation contractuelle de personnes sans leur consentement, et les condamnations prévoient une amende et une peine de prison assorties de travaux forcés. Les sanctions peuvent être multipliées par deux si la victime a moins de 15 ans. Cependant, les peines étaient rarement appliquées et donc insuffisantes pour avoir un effet dissuasif. Les sanctions étaient à la mesure de celles existant pour des crimes comparables. Selon les ONG, le système judiciaire s’est montré réticent à s’impliquer dans les affaires de travail forcé. Le gouvernement a déployé peu d’efforts pour prévenir ou éliminer le travail forcé, bien qu’il ait affecté des ressources financières à son plan d’action de lutte contre la traite. Des représentants du gouvernement seraient intervenus dans les affaires d’esclavage par ascendance en menaçant et intimidant des membres de la communauté pour tenter de faire rejeter ces accusations.
La plupart des cas de travail forcé des adultes se sont produits dans le secteur agricole, en particulier la production de riz, de coton, de céréales sèches et de culture du maïs, ainsi que dans l’orpaillage, les services domestiques et d’autres secteurs de l’économie informelle. Le travail forcé des enfants s’est produit dans les mêmes secteurs. Des enseignants religieux corrompus ont forcé des garçons à mendier et à effectuer d’autres types de services ou de travaux forcés (voir la section 7.c.).
Les mines de sel de Taoudéni, dans le nord du pays, ont assujetti des hommes et des garçons, principalement du groupe ethnique songhaï, à la pratique ancienne de la servitude pour dettes. Des employeurs ont assujetti de nombreux Touaregs noirs à des travaux forcés et des relations d’esclavage héréditaire, notamment dans les régions orientales et septentrionales de Gao, de Tombouctou et de Kidal (voir la section 6).
Veuillez consulter le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse suivante : https://www.state.gov/trafficking-in-persons-report.
c. Interdiction du travail des enfants et âge minimum d’admission à l’emploi
La loi du travail fixe à 15 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi. Il est interdit à un enfant de travailler pendant plus de huit heures par jour, quelles que soient les circonstances. Les filles âgées de six à 18 ans ne sont pas autorisées à travailler plus de six heures par jour. Certaines des pires formes de travail des enfants sont interdites par le gouvernement. La liste des emplois dangereux préparée par le gouvernement interdit certaines activités aux enfants de moins de 18 ans. Cette loi s’applique à tous les enfants, y compris à ceux qui travaillent dans l’économie informelle et à leur compte. Des lacunes existent dans le cadre juridique du pays lorsqu’il s’agit de protéger adéquatement les mineurs des pires formes de travail des enfants. De plus, la loi ne répond pas aux normes minimales internationales concernant l’interdiction du travail forcé, l’interdiction d’employer des enfants dans des activités illicites et l’interdiction du recrutement militaire par des groupes armés non étatiques.
Le ministère de la Promotion de la femme, de la Famille et de la Protection de l’enfant, par l’intermédiaire du Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants (CNS), le ministère de la Justice au travers des différents tribunaux, le ministère de la Sécurité par le biais de la Brigade chargée de la protection des mœurs et de l’enfance de la police nationale, l’Institut national de prévoyance sociale par l’entremise de son service de santé et le ministère du Travail et de la Fonction publique via l’inspection du travail se partageaient la responsabilité de l’application des lois relatives au travail des enfants. Les mécanismes de coordination interinstitutionnelle étaient inefficaces et complexes. Souvent, les autorités n’ont pas tenu compte de la législation sur le travail des enfants et n’ont pas fait respecter les lois en vigueur dans les faits. Les ressources, inspections et actions correctives étaient insuffisantes. Les peines encourues pour ces violations étaient à la mesure des sanctions existant pour des infractions comparables, mais elles n’étaient pas appliquées dans tous les secteurs.
Le travail des enfants, en particulier sous ses pires formes, constituait un grave problème. Il était surtout concentré dans le secteur agricole, particulièrement la production de riz et de coton, ainsi que dans les services domestiques, l’extraction de l’or, la mendicité forcée organisée par les écoles coraniques et d’autres secteurs de l’économie informelle.
Environ un quart des enfants âgés de cinq à quatorze ans exerçaient une activité économique, et les employeurs assujettissaient plus de 40 % d’entre eux aux pires formes de travail des enfants. Nombreux sont ceux qui effectuaient des travaux agricoles dangereux. Des groupes armés ont employé des enfants soldats dans les régions du nord et du centre du pays (voir la section 1.g.). Des enfants ont également été victimes de la traite. Certains employeurs ont forcé des enfants, surtout des filles, à travailler comme domestiques. Certains ont également forcé des enfants touaregs noirs à travailler comme domestiques ou ouvriers agricoles.
Le travail des enfants était également un grave problème dans le secteur de l’extraction artisanale de l’or. Selon la Confédération syndicale internationale, au moins 20 000 enfants travaillaient dans des conditions extrêmement dures et dangereuses dans les mines d’or artisanales. Dans le cadre de leur travail, de nombreux enfants employaient aussi du mercure, substance toxique servant à la séparation de l’or du minerai.
Dans l’ensemble du pays, un nombre inconnu de garçons en âge d’aller à l’école primaire, en majorité âgés de moins de dix ans, ont fréquenté à temps partiel des écoles coraniques financées par leurs parents et eux-mêmes. Certains marabouts, maîtres coraniques, ont souvent forcé leurs élèves, appelés « garibouts » ou « talibés », dans le cadre de leurs travaux, à mendier dans la rue et à travailler comme journaliers dans les exploitations agricoles ; l’argent ainsi gagné était généralement remis à leurs professeurs. Dans certains cas, des talibés travaillaient également comme domestiques sans percevoir de rémunération.
Le ministère du Travail et de la Fonction publique a effectué de rares inspections surprises et des visites à la suite de plaintes. Le manque de personnel et d’autres ressources et les salaires bas rendaient difficile l’application des lois dans le secteur informel. À Bamako, des procureurs géraient plusieurs enquêtes en cours sur des accusations relatives à d’éventuelles violations par des marabouts qui n’utilisaient les enfants qu’à des fins financières.
Veuillez consulter également les Conclusions du département du Travail sur les pires formes de travail des enfants à l’adresse suivante : https://www.dol.gov/agencies/ilab/resources/reports/child-labor/findings et la Liste de biens produits par le travail des enfants ou le travail forcé, publiée par le département du Travail et disponible à l’adresse suivante : https://www.dol.gov/agencies/ilab/reports/child-labor/list-of-goods.
d. Discrimination en matière d’emploi et de profession
Le Code du travail interdit la discrimination en termes d’emploi et de profession fondée sur la race, le genre, la religion, les opinions politiques, la nationalité, le handicap, le statut social, la séropositivité au VIH et la couleur. L’inspection du travail, un organe public, est responsable d’enquêter sur les cas de discrimination fondée sur la race, le genre, la religion, les opinions politiques, la nationalité et l’ethnicité, et de les prévenir, mais les lois n’étaient pas appliquées avec efficacité.
Des cas de discrimination en termes d’emploi et de profession fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle, le handicap et l’appartenance ethnique se sont produits (voir la section 6). L’État, principal employeur du secteur formel, rémunérait les femmes techniquement au même tarif que les hommes pour du travail similaire, mais des différences dans les descriptions d’emplois permettaient une inégalité des salaires. Il existait des restrictions légales à l’emploi des femmes concernant les métiers et tâches estimés dangereux, et dans les secteurs tels que l’extraction minière, le bâtiment et les usines. La loi interdit également aux femmes de travailler dans la création ou la vente d’écrits et d’images jugés contraires aux bonnes mœurs. Dans certains cas, des employeurs de groupes ethniques du sud du pays se rendaient coupables de discrimination à l’encontre de membres de groupes ethniques du nord.
e. Conditions de travail acceptables
Le salaire minimum officiel permet de vivre au-dessus du seuil de pauvreté déterminé par la Banque mondiale. Cependant, il ne s’appliquait pas aux travailleurs du secteur informel et de l’agriculture de subsistance, soit la majorité des travailleurs. Le gouvernement complétait le salaire minimum par des avantages sociaux obligatoires, dont la sécurité sociale et l’assurance maladie. En 2018, les pouvoirs publics ont augmenté les salaires des employés du secteur public après avoir conclu un accord de négociation collective avec le plus grand syndicat national des travailleurs, l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). En 2018, les banques et les sociétés d’assurance ont également augmenté les salaires de leurs employés. En septembre, les enseignants ont reçu une augmentation salariale suite aux grèves qu’ils avaient menées en 2019 et pendant l’année.
La semaine de travail légale est de 40 heures, sauf dans le secteur agricole, où elle varie de 42 à 48 heures selon la saison. La loi exige une période de repos hebdomadaire de 24 heures et le paiement par les employeurs des heures supplémentaires de travail, qui sont légalement limitées à huit heures par semaine. La loi limite les heures supplémentaires à huit heures par semaine. La loi s’applique à l’ensemble des travailleurs, y compris migrants et domestiques, mais elle était régulièrement non respectée dans le secteur informel, qui représentait environ 93 % de l’ensemble des travailleurs, d’après un rapport de 2018 de l’Organisation Internationale du Travail.
La loi prévoit une vaste gamme de normes sanitaires et de sécurité sur le lieu de travail. Les travailleurs ont le droit de se retirer de situations qui mettent en danger leur santé ou leur sécurité sans risquer de perdre leur emploi et de demander qu’une enquête soit menée par la Caisse de sécurité sociale, chargée de recommander les mesures à prendre pour remédier, au besoin, à la situation. Cependant, dans les faits, les autorités n’ont pas protégé les employés dans ce type de situation. Les travailleurs se sont souvent montrés peu disposés à signaler les infractions aux règles de sécurité du travail par peur de perdre leur emploi.
Le ministère du Travail et de la Fonction publique n’a pas bien assuré l’application de ces normes et n’a pas employé d’inspecteurs du travail en nombre suffisant. Le peu d’inspecteurs utilisés manquaient de ressources pour effectuer des enquêtes sur le terrain. De nombreux employeurs ne se sont pas conformés à la réglementation relative aux salaires, aux heures de travail et aux avantages sociaux. Le ministère a mené quelques rares inspections dans les trois régions du nord du pays, où le gouvernement a interrompu des services publics depuis l’occupation de cette zone par des groupes armés et d’autres organisations en 2012. Aucun organisme public n’a fait état de violations ni de sanctions. Les inspecteurs du travail ne se sont rendus sur des lieux de travail pour des visites et inspections inopinées qu’à la suite de plaintes déposées par les syndicats.
Les conditions de travail présentaient des variations, mais c’est dans le secteur privé qu’elles étaient les plus mauvaises. Dans les petites exploitations agricoles familiales, les enfants travaillaient pour une rémunération faible, voire inexistante. Certains employeurs ne rémunéraient leurs employés de maison que 7 500 francs CFA (14 dollars des États-Unis) par mois. Les violations des lois sur les heures supplémentaires étaient courantes pour les enfants travaillant dans les villes, dans les mines d’or artisanales, dans les rizières et dans les champs de coton. Une commission gouvernementale a effectué un inventaire de la présence de mercure dans les mines d’or artisanales, a cartographié ces dernières dans les régions aurifères de Kayes, Koulikoro et Sikasso, et créé une carte d’identité professionnelle pour les orpailleurs. Les organisations syndicales ont signalé que des employeurs ont fait usage de cyanure et de mercure dans les mines d’or, faisant courir un risque de santé publique aux travailleurs qui y étaient exposés. Malheureusement, les inspecteurs ne disposaient pas des ressources nécessaires pour recueillir des données crédibles sur les lieux de travail dangereux.