Rapport International sur le Trafique Humain 2015 – Mali

MALI : liste de surveillance de Catégorie 2

 

Le Mali est un pays d’origine, de transit et de destination pour les hommes, les femmes et les enfants victimes du travail forcé et de la traite sexuelle. La traite interne est plus répandue que la traite transnationale, mais des garçons originaires de Guinée et du Burkina Faso sont également soumis au travail forcé dans les mines d’or artisanales et des femmes et des filles d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, originaires en particulier du Nigeria, sont exploitées dans le contexte de la prostitution dans l’ensemble du Mali. Des femmes et des filles sont contraintes à la servitude domestique, à des travaux agricoles, à des tâches secondaires dans les mines d’or artisanales et elles sont également victimes de la traite sexuelle. Des garçons sont soumis au travail forcé dans les domaines de l’agriculture, des mines d’or artisanales, des travaux domestiques, des transports et du commerce informel. Des hommes adultes et des garçons, principalement du groupe ethnique Songhaï, sont soumis à la pratique de la servitude pour dette dans les mines de sel de Taoudenni dans le nord du Mali. Certains membres de la communauté noire touareg font l’objet de pratiques traditionnelles d’esclavage qui remontent à la transmission héréditaire du rapport maître-esclave. Des garçons originaires du Mali et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest sont contraints par des marabouts (enseignants religieux) peu scrupuleux à la mendicité au Mali ainsi que dans les pays voisins. Selon des ONG, des enfants maliens sont transportés au Sénégal et en Guinée pour y être soumis à la mendicité et en Côte d’Ivoire où ils sont contraints de travailler dans des exploitations de coton et de cacao. D’autres Africains qui traversent le Mali en direction de l’Europe en passant par l’Algérie, la Lybie et, dans une moindre mesure, la Mauritanie, s’exposent au risque de devenir victimes de la traite des personnes. Des femmes et des filles maliennes sont victimes de la traite sexuelle au Gabon, au Liban, en Libye et en Tunisie. Selon des rapports, la corruption serait généralisée dans l’ensemble des forces de sécurité et de l’appareil judiciaire, ce qui gêne les efforts du gouvernement visant à poursuivre les auteurs d’infractions de manière générale, notamment celles liées à la traite.

Au début de 2012, des groupes extrémistes, rebelles et islamistes, ont envahi et occupé le nord du Mali. Au cours de leur occupation du nord du pays en 2012-2013, ces organisations terroristes et groupes armés ont recruté et employé des enfants, surtout des garçons, pour servir de combattants, leur faisant porter des armes, travailler dans des points de contrôle, garder des prisonniers et effectuer des patrouilles. Ces groupes auraient également recruté des filles à des fins d’exploitation sexuelle, notamment sous la forme d’esclavage sexuel en les mariant de force à certains de ces miliciens. Ces groupes armés auraient également contraint certaines familles à leur vendre leurs enfants. Bien que le nombre d’enfants soldats ait continué de baisser durant la période visée par le présent rapport, des ONG et des organisations internationales ont signalé que certains enfants demeurent impliqués dans des groupes armés. Si les preuves de recrutement ou d’emploi d’enfants soldats par l’armée malienne sont inexistantes, la médiocrité des systèmes d’enregistrement des dossiers dans l’armée associée à la facilité d’obtention de faux actes de naissance limitent l’aptitude du gouvernement à vérifier précisément l’âge des soldats maliens. L’instabilité de l’environnement de sécurité dans le nord du pays et l’accès extrêmement restreint à la région, où le gouvernement exerce un contrôle territorial limité, ont réduit la disponibilité de rapports exhaustifs.

Le gouvernement du Mali ne répond pas pleinement aux normes minimales pour l’élimination de la traite des personnes, mais il déploie des efforts importants pour le faire. Malgré ces mesures, il n’a pas fait la preuve qu’il avait dans l’ensemble accru ses efforts de lutte contre la traite des personnes par rapport à la période de référence précédente. Par conséquent, le Mali est placé sur la liste de surveillance de Catégorie 2 pour la quatrième année de suite. En vertu de la Loi sur la protection des victimes de la traite, le pays s’est toutefois vu accorder une dérogation pour ne pas être rétrogradé en Catégorie 3, son gouvernement ayant alloué suffisamment de ressources à un plan officiel qui, s’il était mis en application, constituerait un effort appréciable pour satisfaire aux normes minimales. Bien que les pouvoirs publics, en partenariat avec des ONG, aient identifié 63 victimes qu’ils ont orientées vers des services de protection au cours de l’année visée par le présent rapport et distribué 600 exemplaires de leur loi contre la traite au personnel judiciaire, ils n’ont pas prononcé de condamnations à l’encontre de trafiquants ni mené de campagne nationale de sensibilisation au phénomène.

RECOMMANDATIONS À L’INTENTION DU MALI :

Accroître sensiblement les efforts visant à enquêter sur les infractions et poursuivre en justice, condamner et punir les auteurs de la traite, former le personnel judiciaire sur l’usage efficace de la loi de 2012 relative à la lutte contre la traite des personnes, mettre au point des mécanismes normalisés d’identification des victimes potentielles de la traite et d’orientation de ces dernières vers des services de prise en charge, former les responsables des services de répression sur les techniques d’enquête efficaces et sur la mise au point de procédures normalisées d’identification et d’orientation, élargir et renforcer la mise en œuvre de programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion d’enfants ex-combattants qui tiennent compte des besoins spécifiques de ces enfants, appliquer pleinement le plan d’action national 2015-2017 pour combattre le traite, et intensifier les efforts visant à sensibiliser davantage le public à la traite.

POURSUITES JUDICIAIRES

 

Le gouvernement a légèrement intensifié ses efforts de répression de la traite. La loi 2012-023 relative à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées interdit toutes les formes de traite des adultes et des enfants. Elle prévoit des sanctions de cinq à dix ans de prison et un maximum de vingt ans de prison dans les cas avec circonstances aggravantes. Ces peines sont suffisamment sévères et à la mesure de celles prescrites pour d’autres crimes graves tels que le viol. Dans le cadre d’un effort sans précédent visant à informer le personnel judiciaire sur la loi de 2012 contre la traite, le ministère de la Justice a distribué 600 exemplaires de la loi aux juges et magistrats pour dissémination dans l’ensemble des tribunaux du pays. Le ministre de la Justice a également publié un décret ordonnant à l’ensemble du personnel judiciaire de donner la priorité aux poursuites en vertu de cette loi. Au cours de la période visée par le présent rapport, les pouvoirs publics ont enquêté sur trois affaires possibles de traite des personnes, par rapport à une seule lors de la période visée par le rapport précédent, qui a été abandonnée faute de preuves d’indicateurs sur la traite. Aucun trafiquant n’a été condamné. Le gouvernement, conjointement avec une organisation internationale, a organisé quatre ateliers de formation sur la traite à l’intention de 135 responsables publics, notamment des personnels des forces de l’ordre, du parquet et du judiciaire et des inspecteurs du travail. Il n’a pas signalé d’enquêtes, de poursuites ou de condamnations de fonctionnaires pour complicité d’actes de traite des personnes.

PROTECTION

 

Le gouvernement a poursuivi des efforts minimes pour protéger les victimes de la traite. Les responsables du gouvernement et les ONG partenaires ont identifié 63 victimes de la traite contre 48 au cours de la période visée par le rapport précédent. Le gouvernement a fourni une aide nominale aux victimes, notamment sous la forme de regroupement familial et de documents de voyage, mais il a continué de s’en remettre uniquement à des ONG financées par des sources privées et à des organisations internationales pour leur fournir refuge, soutien psychologique, aliments, rapatriement et réinsertion. Il n’a pas fourni de soutien financier aux ONG qui venaient en aide aux victimes. Il n’a pas rapporté avoir identifié ni assisté les victimes de l’esclavage traditionnel dans les régions où celui-ci se pratique couramment. Il ne disposait toujours pas de mécanismes normalisés d’identification des victimes potentielles de la traite et d’orientation de celles-ci vers des services de prise en charge. Le Mali propose d’autres solutions juridiques que l’expulsion des victimes vers des pays où elles seraient exposées à des représailles ou à des risques.

Bien que le nombre de signalements de recours à des enfants soldats ait baissé au cours de la période visée par le présent rapport, des organisations internationales ont signalé la présence d’enfants au sein des rangs de milices rebelles et d’organisations terroristes dans le nord du pays. Selon une organisation internationale, cinq enfants sont restés détenus par les pouvoirs publics pour association présumée avec des groupes armés. Le gouvernement a orienté sur des centres de réinsertion deux enfants qui avaient été incarcérés. En 2013, il a adopté un protocole interministériel pour faire transférer les enfants soldats libérés dans des centres de réinsertion plutôt qu’en prison, et a continué de suivre cette procédure.

PRÉVENTION

 

Le gouvernement du Mali a réalisé des efforts modestes pour prévenir la traite des personnes. Les responsables maliens ont alloué 250 millions de francs CFA (430 000 dollars É.-U.) au plan d’action national triennal (2015-2017) de lutte contre la traite et ont pris certaines mesures pour sa mise en œuvre en 2015. La commission nationale chargée de la coordination des efforts de lutte contre la traite des personnes déployés par le gouvernement s’est peu réunie au cours de la période visée par le présent rapport. Le gouvernement a créé une courte pièce de théâtre de sensibilisation pour diffusion à la télévision et à la radio, mais à la fin de la période visée par le présent rapport, il ne l’avait pas encore diffusée. Au cours de l’année, le gouvernement a formé 21 inspecteurs du travail aux indicateurs sur le travail forcé ; cependant, les inspecteurs du travail ne disposaient toujours pas des capacités suffisantes pour réglementer le secteur informel, où la plupart des cas de travail forcé se produisaient. Le gouvernement n’a fait aucun effort pour réduire la demande de travail forcé ou d’actes sexuels commerciaux au Mali. Il n’a pas dispensé de formations sur la lutte contre la traite des personnes à l’intention de son personnel diplomatique et de ses soldats de la paix déployés à l’étranger.