RAPPORT 2015 SUR LA LIBERTÉ DE RELIGION DANS LE MONDE – MALI
Résumé analytique
La Constitution interdit la discrimination religieuse et accorde à toute personne le droit à la liberté de religion dans le respect de la loi. Les violations de la liberté de religion sont considérées comme des crimes au regard de la loi. Des groupes terroristes ont prôné la violence et lancé des attaques au nom d’une interprétation extrémiste de l’islam à l’encontre de civils, de membres des forces de sécurité ou des forces de maintien de la paix et d’autres qu’ils auraient considéré, selon les rapports, comme n’adhérant pas à leurs croyances religieuses. Un attentat perpétré le 20 novembre et plus tard revendiqué par Al-Mourabitoun, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar al-Dine et le Front de libération du Macina (FLM) a fait 19 morts, tous des civils, à l’hôtel Radisson de Bamako. Les auteurs de l’attentat auraient épargné les victimes en mesure de réciter des passages du Coran. Bien que les responsables du ministère de la Justice aient fait état de ressources insuffisantes, le gouvernement a poursuivi ses efforts visant à enquêter sur les exactions commises par des groupes extrémistes violents.
Des chefs religieux musulmans et non musulmans ont condamné souvent et collectivement les interprétations extrémistes de la charia. En janvier, des dirigeants religieux, dont des musulmans, des protestants et des catholiques, se sont rendus en France pour condamner les interprétations violentes de la loi islamique, collectivement lancé un appel à la paix entre tous et organisé des prières nationales en faveur de la paix.
L’ambassadeur des États-Unis et des représentants de l’ambassade ont transmis en privé des messages de tolérance religieuse à des dirigeants du gouvernement et, conjointement avec des interlocuteurs de la société civile, formulé ces messages dans des discours prononcés lors de manifestations interconfessionnelles organisées par l’ambassade et à d’autres occasions. L’ambassade des États-Unis a appuyé des programmes de formation visant à promouvoir la tolérance religieuse et contrecarrer les messages véhiculés par les extrémistes violents ; elle a évoqué la question de liberté de religion avec des dirigeants religieux, des organisations de défense des droits de l’homme et la société civile tout au long de l’année. Ainsi, l’ambassade des États-Unis a défrayé et organisé la visite d’un imam d’une université américaine durant le ramadan pour que celui-ci dirige des ateliers et prononce des discours sur la tolérance et l’islam.
Section I. Démographie religieuse
Selon les estimations du gouvernement des États-Unis, la population totale s’élève à 16,9 millions d’habitants (estimations de juillet 2015). Selon le gouvernement des États-Unis, les musulmans constitueraient environ 95 % de la population. Presque tous les musulmans sont des sunnites et la plupart d’entre eux sont d’obédience soufiste. Les groupes qui, ensemble, constituent moins de 5 % de la population incluent les chrétiens, parmi lesquels environ les deux tiers sont catholiques et un tiers protestants, des groupes pratiquant des croyances religieuses autochtones et ceux qui n’adhèrent à aucune religion. Les groupes qui pratiquent des religions autochtones sont dispersés dans l’ensemble du pays, mais particulièrement actifs dans les zones rurales. De nombreux musulmans et chrétiens suivent également certains préceptes des croyances autochtones. Il y a moins d’un millier de personnes à Bamako et un nombre inconnu en dehors de la capitale qui sont associées au groupe musulman Dawa al Tabligh.
Section II. Situation du respect de la liberté de religion par le gouvernement
Cadre juridique
La Constitution définit le pays comme un État laïque et elle garantit la liberté de religion dans le respect de la loi.
En vertu du code pénal, tout acte de discrimination basé sur la religion ou tout acte qui entrave l’exercice de la liberté de religion ou du culte est punissable d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison ou d’une interdiction de séjour pouvant durer jusqu’à dix ans.
Le code pénal précise également que toute persécution d’un groupe de personnes pour des motifs d’ordre religieux constitue un crime contre l’humanité. Aucune prescription n’est prévue pour ces crimes, qui peuvent faire l’objet de procès devant la Cour pénale internationale (CPI).
La loi exige l’enregistrement de toutes les associations publiques, y compris les groupes religieux, à l’exception des groupes pratiquant des croyances religieuses autochtones ; cet enregistrement ne confère pas d’avantages fiscaux ou autres, et le fait de ne pas s’enregistrer n’est pas pénalisé. Afin de se faire enregistrer, les candidats doivent soumettre les documents suivants en double exemplaire : déclaration d’intention de créer une association, copie certifiée conforme des statuts, politiques et règlements, copies certifiées conformes du procès-verbal de la première réunion de l’assemblée générale de l’association et liste des noms des dirigeants de l’association accompagnée de spécimens de la signature de trois des dirigeants. Après examen, le ministère de l’Administration territoriale octroie le certificat d’enregistrement.
La Constitution interdit l’instruction religieuse dans les écoles publiques tandis que les écoles privées ne font pas l’objet d’une telle interdiction. Les écoles religieuses, dénommées localement medersas (une variante de la madrassah), enseignent la religion mais sont tenues d’observer le programme d’enseignement standard établi par les pouvoirs publics, quoiqu’elles soient financées par des fonds privés. Les écoles informelles, connues localement sous le nom d’écoles coraniques, ne suivent pas de programme d’enseignement établi par les pouvoirs publics et proposent exclusivement une instruction religieuse.
La loi définit le mariage comme un acte laïque et ne reconnaît pas le mariage religieux. Les couples qui souhaitent faire reconnaître leur union par la loi doivent aussi se marier en civil. Ce sont les coutumes religieuses du défunt qui déterminent les droits de succession. Les tribunaux civils ordinaires tiennent compte de ces coutumes lorsqu’ils tranchent les affaires portées devant eux mais il arrive souvent que celles-ci soient réglées de manière informelle par des moyens traditionnels.
Il n’est pas fait mention de l’appartenance religieuse sur les passeports ni les documents nationaux d’identité.
Pratiques gouvernementales
Les autorités ont continué d’enquêter sur les actes d’extrémistes violents, qui ont fait appliquer des interprétations rigoureuses de la charia par des exécutions, des amputations et des flagellations lorsqu’ils occupaient le nord en 2012. À la fin de l’année, le gouvernement n’avait instruit aucune affaire de grande notoriété. Le ministère de la Justice a fait état de ressources inadéquates et de la situation de sécurité prévalant dans le nord du pays pour expliquer le retard dans l’avancement des enquêtes judiciaires.
Le gouvernement a continué de collaborer avec les enquêteurs de la CPI pour poursuivre les auteurs de crimes commis contre le patrimoine religieux et culturel du pays. En septembre, Ahmad al-Faqi al-Mahdi, également connu sous le nom d’Abou Tourab, a été arrêté au Niger et déféré devant la chambre préliminaire de la CPI à La Haye. Il aurait été impliqué dans la destruction en 2012 de neuf mausolées et d’une mosquée à Tombouctou. L’affaire faisait partie d’une enquête lancée par la CPI en vertu d’une requête déposée en juillet 2012 par les autorités locales.
À la fin de l’année, l’enquête sur les crimes qu’aurait commis Houka Ag Alhousseini n’avait pas encore abouti au procès, soi-disant à cause d’obstacles rencontrés dans la collecte de preuves suffisantes. Des forces de sécurité maliennes et internationales ont déclaré qu’elles soupçonnaient Ag Alhousseini d’avoir fait office de juge pour l’AQMI lors de son occupation de Tombouctou et d’avoir, à ce poste, ordonné des flagellations et des amputations. Il a été mis en liberté provisoire par les autorités en août 2014. De même, aucun progrès n’a été accompli dans l’enquête sur les crimes qu’aurait commis Sidi Amar ould Daka, connu sous le nom de Yoro, soupçonné par les forces de sécurité maliennes et internationales d’avoir ordonné des flagellations et des amputations lorsqu’il dirigeait la « force de police » du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest durant son occupation de Gao entre 2012 et 2013.
Avant de prendre d’importantes décisions sur des questions nationales qui pourraient prêter à controverse, par exemple la désignation cette année de membres à la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, le gouvernement a consulté le Haut Conseil islamique du Mali, un organe qui représente tous les groupes islamiques importants, et le Comité des sages, qui comprend l’archevêque catholique de Bamako et des dignitaires protestants et musulmans.
Le ministre des Affaires religieuses et du Culte était responsable d’encourager la tolérance religieuse et de coordonner les activités religieuses nationales telles que les pèlerinages et les fêtes religieuses. Le ministre pouvait interdire les publications religieuses qu’il jugeait diffamatoires à l’encontre d’une autre religion, mais il n’a pris aucune mesure en ce sens pendant l’année.
Exactions commises par des forces étrangères et des acteurs non étatiques
Des groupes extrémistes violents comme Ansar al-Dine, l’AQMI, le FLM et Al-Mourabitoun ont continué leurs attaques contre les forces de sécurité, les forces de maintien de la paix et les civils à travers le pays et contre d’autres personnes qu’ils auraient considéré comme n’adhérant pas à leur vision de la religion. Par exemple, Al-Mourabitoun et le FLM ont tous deux revendiqué l’attentat commis le 20 novembre contre l’hôtel Radisson à Bamako qui a causé la mort de 19 civils. Certaines personnes prises en otage durant l’attentat ont signalé que les agresseurs défiaient les victimes de prouver leur religion musulmane en récitant des passages du Coran et tuaient ceux qui n’étaient pas en mesure de le faire. Le 10 août, des militants inconnus ont décapité le chef du village de Tondo près de Timissa dans la région de Ségou ; ce chef traditionnel avait mené des activités de vulgarisation contre les djihadistes.
Section III. Situation du respect de la liberté de religion par la société
Des chefs religieux musulmans et non musulmans ont condamné souvent et collectivement les interprétations extrémistes de l’islam. Ainsi, en janvier, des dirigeants religieux, dont des musulmans, des protestants et des catholiques, se sont rendus en France pour condamner les interprétations violentes de la loi islamique, collectivement lancé un appel à la paix entre tous les Maliens et organisé des prières nationales en faveur de la paix.
Des membres de groupes religieux ont fréquemment assisté aux cérémonies religieuses d’autres groupes religieux, en particulier à des baptêmes, des mariages et des funérailles.
Section IV. Politique du gouvernement des États-Unis
L’ambassadeur des États-Unis et des représentants de l’ambassade ont évoqué la liberté de religion avec des responsables du gouvernement et souligné les possibilités, pour le Mali, de prendre l’exemple de son passé de tolérance religieuse pour promouvoir la paix dans la région. L’ambassade s’est entretenue avec un large éventail de dirigeants religieux et d’organisations de défense des droits de l’homme. Des responsables de l’ambassade ont appelé leurs interlocuteurs à défendre la cause de la tolérance et de la paix entre les religions et organisé des activités pour mettre en avant l’importance de la tolérance et de la liberté en matière de religion.
Cette année, les messages de l’ambassade des États-Unis les plus partagés sur les médias sociaux comprenaient des messages de l’ambassadeur à l’occasion des fêtes du ramadan, d’Aïd al-Fitr et d’Aïd al-Adha. Ces messages ont mis en évidence le rôle de leader que remplit ce pays dans le monde musulman, en prônant une culture de tolérance et de respect de la diversité.
Durant le ramadan, des membres du personnel de l’ambassade ont réitéré ce message de respect de la diversité et de la tolérance dans la religion en pratiquant l’usage des dons de riz et de sucre à des dizaines de mosquées des environs et à des associations islamiques à travers le pays, y compris un don fait par l’ambassadeur au Haut Conseil islamique.
Au moyen d’un don à une organisation non gouvernementale (ONG) locale, l’ambassade des États-Unis a apporté son soutien à un partenariat avec le ministère de l’Éducation dans le but de rédiger et de produire plus de 16 000 exemplaires des manuels d’instruction civique en arabe à l’intention d’écoles religieuses de langue arabe à travers le pays. Ces manuels, établis pour des élèves du CM2 jusqu’à la 3e, présentaient des leçons d’initiation à l’instruction civique, à la liberté de religion et à la tolérance des autres, des matières qui étaient auparavant absentes de ces écoles de langue arabe. Une partie du don a été destinée à la réalisation de programmes de formation à l’intention des enseignants et administrateurs pour leur montrer comment utiliser les manuels afin d’assurer l’instruction civique.
L’ambassade des États-Unis a défrayé et organisé la visite, durant le ramadan, d’un imam d’une université américaine qui a mené les prières du vendredi pour plus de 1 500 fidèles dans une mosquée de Bamako et prononcé un sermon sur le thème « Le regard de l’islam sur la paix et la réconciliation ». Pendant un iftar organisé par l’ambassadeur, l’imam a discuté de la tolérance religieuse avec des dignitaires religieux, des activistes d’associations caritatives islamiques et des ONG du pays ainsi qu’avec le ministre des Affaires religieuses et du Culte.
Durant sa visite, l’imam a mené un atelier organisé en coordination avec le Haut conseil islamique auquel ont assisté environ 150 imams ; cet atelier était consacré au point de vue de l’islam sur l’extrémisme violent et à la manière dont les imams, en tant que chefs communautaires, jouent un rôle et ont pour devoir de combattre l’idéologie de l’extrémisme au sein de leurs communautés et dans leurs mosquées. Il s’est également rendu dans la plus grande mosquée du pays pour y donner une conférence pendant le ramadan sur le thème « Tolérance et islam ». L’ambassade a amplifié le message de l’imam par le biais de la télévision, de la radio et des médias sociaux en bambara, en français, en anglais et en arabe.